BANDE DESSINÉE
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Toute bande dessinée est fondée sur une juxtaposition d’images, organisée en séquences narratives. Chaque image – dite « vignette » – se trouve généralement à l’intérieur d’un cadre rectangulaire, la « case ». Un alignement de cases forme un « registre » ou « strip ». Une superposition de registres occupant toute une page d’une revue ou d’un album constitue une « planche ».
La bande dessinée, dont le Suisse Rodolphe Töpffer a l’intuition dès les années 1830, naît, en tant qu’activité professionnelle reconnue, à la fin du xixe siècle aux États-Unis. La présence de ballons (dialogues écrits dans des bulles ou phylactères) s’y généralise à partir du Yellow Kid (1896) de Richard Outcault. Durant la première moitié du xxe siècle, la bande dessinée américaine domine, tant en quantité qu’en qualité, la production mondiale ; ses premiers chefs-d’œuvre sont Little Nemo (1905) de Winsor McCay et Krazy Kat (1913) de George Herriman. La naissance de Superman en 1938 ouvre la voie aux « super-héros ».
Malgré quelques réussites exceptionnelles, comme Peanuts (1950) de Charles M. Schulz – en français, Snoopy et les Peanuts – ou Maus (1980) d’Art Spiegelman, la seconde partie du xxe siècle voit un recul des États-Unis, et l’émergence de bandes dessinées marquantes au Japon (les mangas d'Osamu Tezuka), en Belgique (Tintin par Hergé, Spirou par Franquin, Blake et Mortimer par E. P. Jacobs), en Italie (Corto Maltese par Hugo Pratt) et en France (Astérix par Uderzo et Goscinny, récits de politique-fiction par Bilal).
Dans les années 1980 s’affirme le « roman graphique », plus libre dans la forme, et qui aborde les sujets les plus divers. Au début du xxie siècle naît la bande dessinée numérique, qui s’impose en Corée du Sud. La bande dessinée, à l’image de la société, est désormais divisée en courants multiples et contradictoires. Elle est autant diversifiée que peut l’être la littérature ou le cinéma : il n’existe plus aujourd'hui une bande dessinée, mais des bandes dessinées.
Histoire de la bande dessinée des origines à 1970
Définitions et statut de la bande dessinée
Si tous les théoriciens s'accordent à penser qu’il n’y a pas bande dessinée sans une succession d’images interdépendantes, le texte qui accompagne les dessins, bien qu’il ne constitue pas un élément indispensable (puisqu’il existe des histoires muettes), est source de débats qui touchent à la définition de ce mode d’expression.
Dans l’acception la plus large, il y a bande dessinée si à chaque image correspond un texte précis, même imprimé en dehors des cases. Pour les tenants d’une définition plus restrictive, le texte doit non seulement figurer à l’intérieur des cases, mais encore se présenter essentiellement sous forme de dialogues écrits dans des phylactères (appelés plus communément « ballons » ou « bulles »), c’est-à-dire des panneaux ou nuages semblant s’échapper de la bouche des personnages. Selon la définition adoptée, La Famille Fenouillard ou Bécassine, par exemple, sera donc assimilée à une bande dessinée ou définie comme une « histoire en images ».
Sous l’influence de la production américaine, adepte dès la fin du xixe siècle de textes placés uniquement dans des ballons, la bande dessinée au sens strict s’est progressivement imposée dans le monde au cours des années 1930, non sans susciter de nombreuses critiques dans des pays à forte tradition littéraire comme la Grande-Bretagne ou la France : l'emploi généralisé de la bulle éloignait définitivement la bande dessinée du genre romanesque, puisqu’elle réduisait le texte à des dialogues (rapprochant ainsi la bande dessinée du théâtre ou du cinéma parlant).
Même si le combat pour sa reconnaissance culturelle semble aujourd’hui gagné, le statut de la bande dessinée reste ambigu. Bien que désigné parfois sous l’appellation de « neuvième art », ce mode d’expression reste méconnu – il n’est souvent considéré que comme une pure distraction – et mal compris. Sa nature hybride (images et texte) rend difficile sa perception comme forme d’expression indépendante, qui ne peut être jugée qu’en elle-même, et non par rapport à des œuvres uniquement littéraires ou picturales : la bande dessinée n’est ni une sous-littérature ni une sous-peinture, mais un art autonome reposant sur une double articulation, l’une synchronique (la relation, à l’intérieur d'une case, entre l’image et le texte), l’autre diachronique (la relation que chaque case entretient avec toutes les autres, et en particulier avec celle qui la précède et celle qui la suit).
La bande dessinée, art de l’ellipse (le lecteur contribue à la continuité du récit en reliant mentalement des cases, dont chacune est un instantané, figé dans le temps), a donc ses propres critères, ce qui rend vaine sa comparaison – néanmoins fréquente, et forcément défavorable – avec la littérature ou les arts graphiques.
Les origines de la bande dessinée
L’idée de recourir simultanément à un texte et à des dessins pour raconter une histoire s’avère aussi ancienne que l’écriture elle-même, comme en témoignent de nombreux papyrus et peintures de l’Égypte antique. Les Romains n’ignorent pas le récit en images (décor sculpté de la colonne Trajane, vers 113 après J.-C.), devenu banal au Moyen Âge, qui donne un exemple de longue figuration narrative avec la tapisserie de Bayeux (vers 1070) et invente le phylactère au xive siècle. Au xviiie siècle, le peintre britannique William Hogarth (1697-1764) conçoit des récits constitués de suites de gravures légendées (La Carrière du roué, 1735).
Comme toute forme d’art, le récit en séquences d’images n’est donc pas apparu brusquement, il a évolué au cours du temps. Cependant, tout en s’inscrivant dans cette tradition millénaire, ce mode d'expression tel qu’il s’est développé au xxe siècle – c’est-à-dire une œuvre reproduite à plusieurs exemplaires sur un support papier en vue d’être diffusée – est né en deux temps au xixe siècle, ces deux étapes correspondant aux deux conceptions du média, selon que l’on fait ou non de la présence du phylactère un critère déterminant.
De Töpffer à Outcault, ou d’une naissance à l’autre (1833-1896)
Le « père fondateur » de la bande dessinée sans phylactère est le Suisse francophone Rodolphe Töpffer (1799-1846). Dès 1827, il compose, sans la commercialiser, sa première « histoire en estampes », Histoire de Monsieur Vieux-Bois, admirée par Goethe. En mars 1833, il fait imprimer à Genève Histoire de Monsieur Jabot ; sept histoires seront publiées de son vivant, la dernière en 1845. Töpffer est aussi le premier théoricien de ce mode d’expression, dont il définit en 1837 la spécificité : « Les dessins, sans le texte, n’auraient qu’une signification obscure ; le texte, sans les dessins, ne signifierait rien. »
Il a, en France et ailleurs, de nombreux émules, dont certains passeront à la postérité – mais grâce à d’autres activités –, comme Cham (Amédée de Noé, 1818-1879), qui publie anonymement en 1839, chez l’éditeur Aubert, l'album Histoire de Monsieur Lajaunisse ; Nadar (Gaspard-Félix Tournachon, 1820-1910), avec Vie publique et privée de Mossieu Réac (1848), première bande dessinée politique ; Gustave Doré (1832-1883), auteur d’une peu orthodoxe Histoire de la Sainte Russie (1854) ; ou Caran d’Ache (Emmanuel Poiré, 1858-1909), qui propose vainement en 1894 au Figaroun « roman dessiné » muet, de plus de 300 pages, intitulé Maestro (finalement publié en 1999 par le musée de la Bande dessinée d’Angoulême).
Töpffer constitue le modèle avoué de Christophe (Georges Colomb, 1856-1945, sous-directeur du laboratoire de botanique de la Sorbonne), auteur dans Le Petit Français illustré de plusieurs longs récits, dont La Famille Fenouillard (1889). Comme ses prédécesseurs, Christophe place le texte sous l’image, mais innove en ayant recours à des procédés (plans américains, vues plongeantes, effets de profondeur de champ) que le cinéma allait redécouvrir quelques années plus tard.
En Allemagne et en Grande-Bretagne apparaissent à la même époque des héros (ou plutôt des antihéros) d’histoires en images qui marqueront plusieurs générations de lecteurs : les garnements Max et Moritz (1865) de Wilhelm Busch (1832-1908) et Ally Sloper, un bon à rien créé en 1867 par Charles H. Ross (1835-1897), qui se fait seconder dès 1869 par sa future épouse, la Française Marie Duval (pseudonyme d'Isabelle Émilie de Tessier, 1847-1890), première dessinatrice de l’histoire de la bande dessinée.
Aux États-Unis, Töpffer, puis Busch, exercent une influence considérable. La première bande dessinée qui y est éditée, The Adventures of Mr ObadiahOldbuck (1842), consiste d’ailleurs en une adaptation du Monsieur Vieux-Bois de Töpffer.
L’usage des ballons (courant chez les caricaturistes anglais du début du xixe siècle) va s’imposer en quelques années aux États-Unis, bénéficiant de l’absence de préjugés culturels d’une nation encore en formation et de la surenchère des deux magnats de la presse, William Randolph Hearst et Joseph Pulitzer, pour s’attacher les services des meilleurs dessinateurs.
C’est dans le numéro daté du 25 octobre 1896 du New York Journal que Richard Outcault (1863-1928) transforme sa série The Yellow Kid (née deux ans plus tôt sous le titre de Hogan’sAlley) en une œuvre qui a toutes les caractéristiques des « BD » modernes. Ce gamin à la chemise jaune, vivant dans un taudis new-yorkais, marque une étape décisive de la bande dessinée américaine, qui va devenir fondamentalement différente de celle publiée alors en Europe, non seulement dans sa forme, mais aussi dans son fond – elle cherchera à intéresser simultanément les enfants et les adultes – et dans son mode de diffusion – des journaux tirés à des millions d’exemplaires, et non des revues ou des albums visant un public aisé et plus restreint.
L'Europe avant la Seconde Guerre mondiale
Le succès rapide aux États-Unis des bandes avec ballons mettra une trentaine d’années à ébranler en Europe la tradition du texte sous la vignette (héritée en France des images d’Épinal), et il paraît significatif que la première bande dessinée à bulles de langue française soit parue au Québec : Les Aventures de Timothée par Albéric Bourgeois (1876-1962), publiée à partir de janvier 1904 dans le journal La Patrie.
Néanmoins, les années 1903-1914 sont marquées par la prolifération, en France, en Italie et en Grande-Bretagne, d’hebdomadaires presque entièrement composés d’histoires en images, et s’adressant à la jeunesse. Pendant un demi-siècle, la bande dessinée européenne – destinée à l'origine à des adultes – va chercher à plaire avant tout aux enfants et aux adolescents, ce qui explique en grande partie le mépris dont elle fera longtemps l’objet.
La France de 1903 à 1914
En France, l’éditeur Arthème Fayard est le premier à lancer des publications essentiellement constituées d’histoires en images (La Jeunesse illustrée, 1903 ; Les Belles Images, 1904). Les dix années qui précèdent la Première Guerre mondiale voient une profusion de nouvelles revues enfantines, dont la postérité n’a retenu que deux séries, que tout oppose : dans La Semaine de Suzette, journal pour petites filles modèles édité par Gautier-Languereau, Caumery (Maurice Languereau, 1867-1941) compose pour le peintre et dessinateur Émile Joseph Porphyre Pinchon (1871-1953) les textes de Bécassine (1905), mésaventures d’une petite bonne bretonne au service d’une famille aristocratique. Cette série, contestée par la suite pour son idéologie conservatrice, constitue un témoignage quasi proustien sur les mœurs de l’époque (comme l’a écrit le critique Francis Lacassin, « Bécassine, c’est un peu À la recherche du temps perdu raconté par Françoise »).
À l’inverse, dans l’hebdomadaire L'Épatant, édité par les frères Offenstadt, Louis Forton (1879-1934) donne aux « titis parisiens » leurs premiers héros, Les Pieds-Nickelés (1908), scrupuleusement malhonnêtes et vulgaires, et influencés par le mouvement anarchiste. Louis Forton est également l’auteur de Bibi Fricotin (1924), un jeune journaliste détective.
Pour les petites filles des milieux populaires, les frères Offenstadt lancent en 1909 le journal Fillette, dont la vedette se nomme L’Espiègle Lili, créée par le romancier Jo Valle (Joseph Valle, 1865-1949). Son premier dessinateur est Alexis Vallet (1869-1949), souvent appelé par erreur « André Vallet ».
Les illustrés français d'avant 1914 n’ont que peu recours aux phylactères. Pip (pseudonyme probable d’Auguste Landelle, 1877-1948) sera le premier dessinateur à les utiliser fréquemment, en se dispensant de tout texte sous les images, dans diverses publications des années 1905-1907 ; il s’y risque d’abord dans le numéro daté du 25 mai 1905 de l’hebdomadaire Les Images pour rire. Quant au premier album à comporter un texte entièrement dans des bulles, il s’agit de Sam et Sap (1908), dessiné par Rose Candide, pseudonyme du futur greffier de la Commune libre de Montmartre Émile Tap (1876-1940), et non, comme on le croit parfois, du peintre lyonnais Edmond Tapissier (1861-1943). Ces « aventures surprenantes d’un petit nègre et de son singe », écrites par Georges Le Cordier, ont d’abord été publiées en 1908 dans les journaux Saint Nicolas et L’Écolier illustré avant d’être éditées la même année en album chez Delagrave.
Une autre bande à bulles notable, car il s’agit de la première à avoir connu deux dessinateurs successifs, Frip et Bob, relate les aventures de deux jeunes globe-trotters farceurs, créés en 1910 (dessin et texte) par le futur romancier Pierre Mac Orlan (Pierre Dumarchey, 1882-1970) pour L’Almanach Nodot 1911. La série a été continuée par Mac Orlan dans l’almanach de 1912, et dans ceux de 1913 et 1914 par Solar d’Alba, peut-être un autre pseudonyme d’Émile Tap, qui dessinait sous de nombreuses signatures (Bigoudis, E. Maurice, R. Santigny…), et dont la biographie reste floue.
La France de 1914 à 1939
Les bandes dessinées à bulles nées avant la Première Guerre mondiale semblent n’avoir eu aucune influence, et il a fallu attendre la création par Alain Saint-Ogan (1895-1974) de Zig et Puce, en 1925, pour voir le triomphe d’une œuvre n’ayant recours qu’à des ballons. Toutefois, l’extraordinaire engouement suscité par cette série (la première en France à connaître un succès massif) s’explique plutôt par le déclin qualitatif et quantitatif de la production après 1914 (Zig et Puce n’avaient comme rivaux que des héros déjà datés), et par un phénomène de mode dont a bénéficié le compagnon d’aventures des deux jeunes garçons, le pingouin Alfred, qui a donné naissance à de nombreux produits dérivés.
À Bruxelles, en 1929, s’inspirant de la technique graphique de Benjamin Rabier (1864-1939) et de Zig et Puce d'Alain Saint-Ogan, Hergé (Georges Remi, 1907-1983) commence les aventures du jeune reporter Tintin et de son chien Milou. La série devient rapidement populaire en Belgique, mais n’est connue en France avant la Seconde Guerre mondiale que des seuls lecteurs de l’hebdomadaire catholique Cœurs vaillants, qui la reprend dès 1930.
Le 21 octobre 1934, Paul Winkler (1898-1982) lance le premier numéro du Journal de Mickey, qui ne contient que des bandes dessinées américaines, que l’éditeur a importées par le biais de son agence Opera Mundi. En une seule journée, les illustrés français pour la jeunesse sont démodés. La production française, mièvre et moralisatrice, reçoit un coup mortel, condamnant les anciens éditeurs à s’adapter, souvent contre leur gré. Seuls les dessinateurs les plus doués survivront : outre Alain Saint-Ogan et Hergé, on peut citer le Belge Raoul Thomen (1876-1950), René Giffey (1884-1965), Étienne Le Rallic (1891-1968) et René Pellos (René Marcel Pellarin, 1900-1998).
À l’instar du Journal de Mickey naissent de nouvelles publications qui privilégient les séries d’aventures et de science-fiction, souvent d’origine américaine. En 1935, l’éditeur italien Cino Del Duca s’impose en France avec Hurrah !, ainsi que son compatriote Ettore Carozzo avec le très cosmopolite Jumbo. Paul Winkler récidive avec les journaux Robinson (1936) et Hop-là ! (1937). Les bandes dessinées américaines domineront le marché français jusqu’à ce que l’Allemagne en interdise la publication dans les pays occupés après l’entrée en guerre des États-Unis (1941).
Autres pays d'Europe
En Italie, l'illustré qui fonde la bande dessinée nationale est le Corriere dei Piccoli, né en 1908 et qui paraîtra jusqu’en 1995. Ses histoires ne comportent pas de bulles, mais un texte en vers de mirliton sous l’image. Dès 1910, Antonio Rubino (1880-1964) se livre dans Quadratinoà des recherches graphiques. En 1932 – avant d’avoir son propre journal aux États-Unis, en France ou en Grande-Bretagne –, Mickey devient en italien Topolino pour un nouvel hebdomadaire qui propose à la fois des séries des studios de Walt Disney et des bandes italiennes, comme le westernKit Carson (1937) de Rino Albertarelli (1908-1974). À partir de 1938, les illustrés italiens n’ont plus le droit de publier des bandes américaines, à l’exception de Topolino, lecture favorite des enfants de Mussolini.
En Grande-Bretagne, la plupart des journaux de bandes dessinées appartiennent à un magnat de la presse, l'Irlandais Alfred Harmsworth, lord Northcliffe (1865-1922). Après avoir créé en 1890 ComicCuts et Chips (qui paraîtront tous deux jusqu’en 1953), son groupe, Amalgamated Press, lance en 1914 The Rainbow, qui acquiert rapidement auprès des enfants une popularité sans égale grâce à la série Tiger Tim and the Bruin Boys. Dans cette bande dessinée, qui comporte à la fois un texte sous l’image et des ballons, les deux dessinateurs, Julius Stafford Baker (1869-1961) et Herbert Sydney Foxwell (1890-1943), racontent les aventures d’un jeune tigre, élève dans une pension tenue par une ourse.
Un éditeur écossais, David Couper Thomson (1861-1954), est le premier à contester l’hégémonie d’Amalgamated Press, avec les journaux pour enfants The Dandy (1937) et The Beano (1938), qui font une large place à des histoires comiques, sans texte sous l’image. Ces deux titres, seuls rescapés de cette époque, franchiront le cap du xxie siècle (The Beanosurvivra à TheDandy, qui a cessé sa parution en 2012).
En Allemagne apparaît en 1934, dans le Berliner Illustrirte Zeitung, une bande dessinée muette qui connaîtra un grand succès, la chronique familiale Père et fils (Vater und Sohn) ; son auteur, « e.o. plauen » (Erich Ohser, 1903-1944), s’est suicidé alors qu’il était emprisonné par la Gestapo pour propos défaitistes.
La suprématie de la bande dessinée américaine (1896-1945)
Aux États-Unis, la bande dessinée, peu abondante avant les premières bulles du Yellow Kid (1896), connaît en quelques années un développement considérable. Dès 1902, tous les grands quotidiens américains publient un supplément dominical qui contient des bandes dessinées avec des ballons, présentées sous la forme de grandes planches en couleurs. À la suite du succès, en 1907, dans le San Francisco Chronicle, de Mutt and Jeff par Bud Fisher (1885-1954), une série sur les milieux hippiques (à laquelle Marcel Duchamp fera allusion en signant « R. Mutt », l’urinoir du ready-made intitulé Fountain), les bandes quotidiennes se banalisent ; elles sont constituées le plus souvent de quatre cases (en noir et blanc) juxtaposées.
Enfin, à partir de 1936 se généralise la publication de bandes dessinées dans des fascicules de format 25,5 cm sur 16,5 cm, au papier médiocre. Ces trois modes de diffusion (appelés respectivement Sunday page, dailystrip et comic book) coexistent encore aujourd’hui, l'album cartonné tel qu’on le conçoit en France ou en Italie restant exceptionnel.
Le temps des bandes humoristiques
Le premier phénomène de masse de la bande dessinée américaine est The Katzenjammer Kids (1897) par Rudolph Dirks (1877-1968), une série centrée sur les méfaits de deux garnements, inspirés des Max et Moritz de Wilhelm Busch (titre français : Pim Pam Poum). La nature comique de cette bande et de celles qui suivront imposera aux États-Unis le terme de comics pour désigner toute bande dessinée, les Britanniques préférant parfois l’expression strip cartoons. Ce vocable continuera à être employé lorsque se répandront, à partir des années 1920, des bandes dessinées ne reposant pas sur des effets comiques.
Très tôt dans son histoire, la bande dessinée américaine donne naissance à deux chefs-d’œuvre : Little Nemo (1905) par Winsor McCay (1867-1934), récits oniriques partiellement inspirés par l’art nouveau, et Krazy Kat (1913), par George Herriman (1880-1944), bande animalière à l’humour absurde. L’année 1913 est aussi celle des débuts de Bringing Up Father (La Famille Illico), par George McManus (1884-1954), qui popularise un genre nouveau, le familystrip (histoire humoristique à cadre familial), dont les meilleurs exemples sont Winnie Winkle (Bicot), une série créée en 1920 par Martin Branner (1888-1970), et Blondie (1930) par Murat « Chic » Young (1901-1973).
Une veine poétique affleure dans Félix le Chat (1923), par Pat Sullivan (1887-1933) et Otto Messmer (1892-1983), un félin malicieux apparu en dessins animés dès 1919, et le burlesque triomphe quand Elzie Crisler Segar (1894-1938) invente Popeye (1929), un marin qui acquiert une force surhumaine en mangeant des épinards. Les personnages des dessins animés produits par Walt Disney (1901-1966) sont adaptés en bandes dessinées par des artistes qui restèrent longtemps anonymes. La souris Mickey, née dans des dessins animés en 1928 sous le crayon d’Ub Iwerks (1901-1971), est publiée en bandes quotidiennes à partir de 1930 ; son meilleur et principal dessinateur, de 1930 à 1975, a été Floyd Gottfredson (1905-1986). Dans le New Yorker naît, en 1931, Le Petit Roi (The Little King), par Otto Soglow (1900-1975), une bande dessinée quasi muette sur un monarque burlesque. La série est appréciée des milieux intellectuels : en France, elle est publiée en album, en 1938, dans la collection « NRF » des éditions Gallimard.
Le temps des bandes dessinées d’aventures
Les années 1920 voient l'émergence des premières bandes d’aventures, comme Wash Tubbs and CaptainEasy (1924) de Roy Crane (1901-1977), dont la technique graphique d’opposition entre le noir et le blanc fera école (de Milton Caniff à Hugo Pratt), l’aviatrice Connie (1927) de Frank Godwin (1889-1959), la série d’anticipation Buck Rogers (1929), par Dick Calkins (1898-1962), ou l’adaptation (en 1928 en Grande-Bretagne, en 1929 aux États-Unis) du Tarzan d’Edgar Rice Burroughs par Hal Foster (1892-1981), puis à partir de 1937 par Burne Hogarth (1911-1996).
Dans les années 1930 triomphent des bandes d’aventures, au graphisme réaliste, et souvent très adultes dans le ton : contrairement aux bandes européennes, les femmes – généralement belles et aventureuses – y jouent un rôle important, et créent parfois un climat érotique. Les séries les plus marquantes sont Dick Tracy (1931), par Chester Gould (1900-1985), aux intrigues policières proches des romans noirs, Flash Gordon (1934) par Alex Raymond (1909-1956), qui dessine d’un trait académique des mondes extraterrestres, Terry and the Pirates (1934), par Milton Caniff (1907-1988), aventures asiatiques de personnages à la psychologie complexe, et Prince Valiant(1937), par Hal Foster, fresque sur les chevaliers de la Table ronde. Enfin, le scénariste Lee Falk (1911-1999) ouvre la voie aux « super-héros » avec Mandrake (1934), un magicien dessiné par Phil Davis (1906-1964), et avec The Phantom (1936 ; en français Le Fantôme du Bengale), un héros masqué dessiné par Ray Moore (1905-1984).
En marge de ces séries d’aventures, Al Capp (Alfred Caplin, 1909-1979) fait, dans Li’l Abner (1934), la satire de la vie américaine à travers la chronique fictive d’un petit village arriéré du Tennessee.
La naissance des super-héros
La fin des années 1930 est marquée par l’essor des comic books, dont les deux principaux éditeurs sont DC (Detective Comics) et Marvel, fondés respectivement en 1935 et 1939. Ces fascicules mensuels, surtout destinés aux adolescents, proposent à l’origine des récits de différents styles, puis, après l’énorme succès commercial des séries Supermanet Batman, ils se spécialisent progressivement dans des histoires qui mettent en scène des personnages aux pouvoirs surhumains (appelés « super-héros »).
Superman, créé dans le premier numéro d’Action Comics, daté de juin 1938, par le dessinateur Joe Shuster (1914-1992) sur un scénario de Jerry Siegel (1914-1996), et Batman, né dans le no 27 de Detective Comics (daté de mai 1939) du dessin de Bob Kane (Robert Kahn, 1915-1998) et d’un texte de Milton « Bill Finger » (1914-1974), s’inscrivent immédiatement dans l’imaginaire américain. Ils sont à l’origine d’un genre – qui dure encore – où des surhommes s’affrontent en des combats, titanesques mais jamais décisifs, qui mettent en jeu le sort de l’humanité ordinaire, et rappellent parfois les luttes entre les dieux des mythes et légendes de l’Antiquité.
Le succès de ces super-héros donne naissance à des super-héroïnes dont la plus célèbre est Wonder Woman (1941), créée par le dessinateur Harry George Peter (1880-1958) et par le scénariste William Moulton Marston, dit Charles Moulton (1893-1947), un psychologue inventeur d’un appareil censé détecter les mensonges. Dès 1940, ce type bien particulier de bandes dessinées est brillamment parodié par Will Eisner (1917-2005) dans The Spirit.
La bande dessinée francophone de 1940 à 1960
France : de l'Occupation à la loi de 1949
Pendant la Seconde Guerre mondiale, la désorganisation de la France et la pénurie de papier rendent difficile la survie des illustrés, qui sont en outre privés des bandes d’origine américaine. En « zone sud », débutent deux séries de Maurice Cuvillier (1897-1957) qui rencontreront un succès durable auprès des jeunes enfants : les lutins Perlin et Pinpin (dans Âmes vaillantes, 1940), et Sylvain et Sylvette (dans Cœurs vaillants - Âmes vaillantes, 1941), série dans laquelle un frère et une sœur vivent dans une forêt parmi de nombreux animaux. En « zone nord », à Paris naît, en 1943, Le Téméraire, journal attrayant dans la forme, mais idéologiquement proche de l’occupant. À la Libération, de nombreuses bandes dessinées attaquent ou ridiculisent les nazis. Les plus notables sont, en 1944, l’album avec texte sous l’image d'Edmond-François Calvo (1892-1957) La Bête est morte !, transposition de la Seconde Guerre mondiale chez les animaux, avec un texte de Victor Dancette (1900-1975) et Jacques Zimmermann (1902-1951), et, dans le journal Coq Hardi, Les Trois Mousquetaires du maquis, par Marijac (Jacques Dumas, 1908-1994).
La création de journaux donnant, comme avant la guerre, la vedette à des séries achetées aux États-Unis (notamment les hebdomadaires Tarzan, en 1946, et Donald, en 1947) provoque la colère des organisations professionnelles françaises de dessinateurs. Leurs protestations, conjuguées à celles des ligues de moralité issues de milieux catholiques ou laïques, ainsi qu’à l’antiaméricanisme du Parti communiste, et à la méfiance qu’éprouvent les éducateurs à l’égard de la bande dessinée, sont à l’origine de la loi du 16 juillet 1949 sur les publications destinées à la jeunesse. En menaçant de saisie toute œuvre faisant place (même sous une forme bénigne) à la violence ou à la sexualité, celle-ci va peser pendant vingt-cinq ans sur ce mode d’expression. Les quelques éditeurs qui continuent à publier des séries d’origine étrangère doivent les édulcorer (des retoucheurs effacent les revolvers et rallongent les jupes), et demandent à leurs auteurs français de s’autocensurer.
La domination belge
C’est dans ce contexte répressif que va pouvoir s'épanouir en France la production belge. En effet, depuis les années 1930, les auteurs belges ont su développer une bande dessinée à mi-chemin entre le conformisme des séries françaises et l’atmosphère adulte des séries américaines. Leurs héros sont lancés dans des aventures pleines de mystère, de suspense et d’humour, mais ils sont asexués, moralement irréprochables, défendent l’ordre établi, et prônent discrètement des valeurs à la fois laïques et chrétiennes.
Dès 1930, Hergé a des imitateurs, et en 1938 se constitue, au sein des éditions Dupuis, le premier grand illustré belge de bandes dessinées, Le Journal de Spirou ; le héros éponyme a cependant été conçu par un dessinateur français, Rob-Vel (Robert Velter, 1909-1991). L’hebdomadaire est diffusé en France à partir de 1946, année où à Bruxelles Raymond Leblanc, cofondateur des éditions du Lombard, fait de Tintin le titre et le personnage central d’une nouvelle publication, distribuée en France dans une version légèrement différente par Georges Dargaud en 1948. Pendant une vingtaine d’années, les journaux Spirou et Tintin seront les deux titres les plus prestigieux de la bande dessinée francophone.
Bien que rivaux, les deux illustrés ont chacun leur personnalité. Spirou est axé sur l’humour et un graphisme dynamique, influencé par le dessin animé. C’est ce que l'on appellera « l’école de Marcinelle » (faubourg de Charleroi où se trouve le siège de l’hebdomadaire). Les principaux représentants en sont André Franquin (1924-1997), dessinateur de la série Spirou et Fantasio de 1946 à 1968 et créateur de l’antihéros Gaston Lagaffe en 1957 ; Morris (Maurice De Bevere, 1923-2001), qui invente le cow-boy Lucky Luke en 1946 ; Peyo (Pierre Culliford, 1928-1992), père d’un peuple de lutins bleus, les Schtroumpfs (1958) ; et Jean Roba (1930-2006), qui à travers les personnages (un jeune garçon et un cocker) de Boule et Bill (1959) met en scène la vie d’une famille. Le journal contient aussi quelques œuvres réalistes réussies, comme Buck Danny (1947), par Victor Hubinon (1924-1979), sur un scénario de Jean-Michel Charlier (1924-1989), série d’aviation typique de la guerre froide, le western Jerry Spring (1954), par Jijé (Joseph Gillain, 1914-1980), ou les aventures du détective Gil Jourdan (1956), par Maurice Tillieux (1921-1978).
Au journal Tintin, le graphisme est souvent plus statique, et la tonalité des récits plus dramatique. Les auteurs ne travaillent pas sans une documentation imposante, recherchent la vraisemblance, et leurs textes sont écrits dans une langue relativement littéraire. C’est « l’école de Bruxelles », qui dérive d’Hergé, mais n’en conserve pas toujours le graphisme, épuré des détails inutiles, que l’on baptisera plus tard « ligne claire ».
Dans le sillage d’Hergé, figure tutélaire du magazine, on trouve principalement Edgar Pierre Jacobs (1904-1987), qui, dans Blake et Mortimer (1946), allie le réalisme au merveilleux scientifique ; Paul Cuvelier (1923-1978), dessinateur sensuel des aventures, dans l’Inde du xviiie siècle, du jeune Breton Corentin (1946) ; et le Français Jacques Martin (1921-2010), qui dans Alix (1948) se livre à une reconstitution grandiose et trouble du monde romain. Ils seront rejoints entre autres par le Flamand Willy Vandersteen (1913-1990), qui introduit un peu de loufoquerie avec sa série Bob et Bobette (apparue dès 1945 dans De Nieuwe Standaard sous le titre néerlandais de Suske en Wiske) et par Raymond Macherot (1924-2008), auteur d’une bande animalière à la fois poétique et satirique, Chlorophylle (1954).
Dans l’ombre de Spirou et de Tintin
Si les journaux Spirou et Tintin sont incontestablement de grandes réussites, ils ne représentent qu’une faible part de l’ensemble de la production, qui quantitativement est alors à son apogée. De nombreuses autres publications ont des tirages très importants, comme Vaillant, proche du Parti communiste, support notamment dès l’année de son lancement (1945) de la série de science-fiction Les Pionniers de l’Espérance, par le dessinateur Raymond Poïvet (1910-1999) et le scénariste Roger Lécureux (1925-1999), ou la nouvelle série du Journal de Mickey (1952), plus enfantine que celle d’avant-guerre, et comportant quelques bandes d’origine française, comme, de 1952 à 1978, Mickey à travers les siècles, dessiné par Pierre Nicolas, généralement sur un scénario de Pierre Fallot (1909-1976).
Les milieux catholiques ont leurs propres illustrés, notamment aux éditions Fleurus Fripounet et Marisette (1945), où est publiée une bande éponyme sur deux jeunes campagnards, créée en 1943 par Herboné (René Bonnet, 1905-1998), et à la Bonne Presse Bayard (1936, nouvelle série en 1946), dont la vedette est la fresque médiévale Thierry de Royaumont (1953), due au dessin de Pierre Forget (1923-2005) et au texte de Jean Quimper (André Sève, 1913-2001). Dans l’autre illustré de la Bonne Presse, Bernadette, les jeunes lectrices se passionnent pour les aventures exotiques de Priscille, Olivier et les jumelles (1957), écrites par Henriette Robitaillie (1909-1992) et dessinées par Janine Lay.
Les petits formats
Les années 1950 voient aussi le foisonnement des « petits formats » (18 × 12,5 cm), c’est-à-dire des fascicules bon marché imprimés en noir et blanc, visant les jeunes des milieux populaires, et peu préoccupés – contrairement à Spirou et à Tintin – de respectabilité. Ils ne se rattachent que partiellement à la bande dessinée francophone, puisque leur contenu est souvent dû à des dessinateurs étrangers (italiens, espagnols, britanniques...), presque toujours anonymes, et dont l’identification pose encore des problèmes. Les trois principaux éditeurs – Aventures et Voyages, fondé en 1948 par Bernadette Ratier (1899-1992), Impéria, lancé en 1949 par Robba (Robert Bagage, 1916-2002), et Lug, créé en 1950 par Marcel Navarro (1923-2004) – avaient leur siège à Lyon.
Certaines de ces publications ont connu un succès considérable comme Akim (1958), nom d’un enfant de la jungle créé en Italie, en 1950, par Augusto Pedrazza (1923-1994) ; Tartine Mariol (1957), une centenaire à la force herculéenne (appelée en italien Nonna Abelarda), dessinée par Giovan Battista Carpi (1927-1999) ; Pepito (1954), petit corsaire apparu en 1952 sous le crayon de Luciano Bottaro (1931-2006) ; ou Kiwi (1955), dont la bande principale met en scène – comme l’indique le titre – un oiseau étrange, créature née de l’imagination du Français Jean Cézard (1924-1977). La série complémentaire de Kiwi, Blek le Roc, se déroule au xviiie siècle et a pour protagoniste un trappeur engagé dans la lutte des Américains pour leur indépendance. Elle est née en 1954 dans le studio turinois Esse-G-Esse.
Qualifiés de « fascicules de gare », les petits formats ont été longtemps méprisés. Cependant, il ne fait aucun doute qu’ils ont eu plus de lecteurs que Spirou et Tintin réunis et qu’on y trouvait parfois des dessinateurs talentueux, comme Devi, pseudonyme de l’Italien Antonio De Vita (1923-2016), créateur en 1955 dans Kiwi de la série Le Petit Duc, dont les larges aplats noirs accentuent les étrangetés des décors et du scénario.
Les bandes dessinées dans la grande presse
Au cours des années 1950, la bande dessinée se trouve aussi très présente dans la grande presse, souvent, sous la forme d'histoires dont le texte est placé sous l’image, notamment pour les nombreuses adaptations de romans. Presque tous les quotidiens, de Paris comme de province, publient au moins une bande dessinée, du Figaro, avec la série muette Les Aventures du professeur Nimbus, créée dès 1934 pour Le Journal par André Daix (André Delachanal, 1901-1976), à L’Humanité,avec Pif le Chien, né en 1948 du crayon du réfugié politique espagnol José Cabrero Arnal (1909-1982).
Certains quotidiens consacrent une page entière à la bande dessinée, par exemple France-Soir, dont certaines séries sont célèbres, comme Arabelle la Sirène (1950) de Jean Ache (Jean Huet, 1923-1985) ou 13, rue de l’Espoir (1959) de Paul Gillon (1926-2011). Une bande comme Pat’Apouf détective de Gervy (Yves Desdemaines-Hugon, 1908-1998), qui paraît dans l’hebdomadaire Le Pèlerin depuis 1938, a probablement plusieurs millions de lecteurs qui, contrairement à ceux du journal Tintin – dont c’était pourtant le slogan –, sont réellement âgés « de 7 à 77 ans ».
La bande dessinée en Europe de 1940 à 1960
Outre la France et la Belgique, deux pays européens ont, dans les années 1940 et 1950, une production importante, tant en quantité qu’en qualité : l’Italie et la Grande-Bretagne.
En Italie, les années 1940 sont dominées par Dick Fulmine (en français Alain la Foudre), justicier à l’idéologie fasciste créé en 1938 par Carlo Cossio (1907-1964), et par les bandes d’aventures exotiques de Franco Caprioli (1912-1974). En 1948 débute un western qui deviendra l’un des grands classiques du genre, Tex Willer, dessiné à l’origine par Galep (Aurelio Galleppini, 1917-1994), sur un scénario de Gian Luigi Bonelli (1908-2001). Le western traditionnel est parodié par Benito Jacovitti (1923-1997) dans Cocco Bill (1957), puis dans Zorry Kid (1968), version burlesque de Zorro.
En Grande-Bretagne, les quotidiens populaires accordent une large place à la bande dessinée. Deux séries du Daily Mirror sont passées à la postérité : durant la Seconde Guerre mondiale, Jane, jeune femme que dessine Norman Pett (1891-1960) depuis 1932, retient l’attention à la fois pour son patriotisme et pour la facilité avec laquelle elle se déshabille ; en 1957, Reg Smythe (1917-1998) crée Andy Capp, où il caricature avec tendresse un ouvrier paresseux et machiste du nord de l’Angleterre.
La presse enfantine anglaise est marquée par un renouveau de l’hebdomadaire The Beano : Dennis the Menace (1951 ; Denis la Malice, en français), qui relate les aventures d’un garçon espiègle dessiné par David Law (1908-1971), provoque un engouement collectif et une exploitation commerciale qui dureront jusqu’à la fin du xxe siècle. Leo Baxendale (1930-2017) lui donne son équivalent féminin, Minnie the Minx (1953), et met en scène une bande de garnements, The Bash Street Kids (1954 ; d’abord intitulée When the Bell Rings). Les lecteurs un peu plus âgés font un triomphe au journal Eagle, qui dès son premier numéro (1950) présente un des chefs-d’œuvre de la bande dessinée de science-fiction, Dan Dare, par Frank Hampson (1918-1985).
Ailleurs en Europe naissent trois séries qui deviendront les symboles de la bande dessinée dans leurs pays respectifs. Aux Pays-Bas, en 1941, Marten Toonder (1912-2005) crée, dans De Telegraaf,le petit chat Tom Poes (en français, Tom Pouce), dont le compagnon, l’ours Bommel, finit par lui ravir la vedette. En 1947, la Finlandaise Tove Jansson (1914-2001) met en scène avec Les Moomins,un peuple de lutins ressemblant à des hippopotames. En Espagne, Francisco Ibáñez (1936-2023) s’impose avec Mortadelo y Filemón, deux détectives totalement incompétents, apparus en 1958 dans la revue Pulgarcito.
Les États-Unis de 1945 à 1960
La grande presse
Avec la Seconde Guerre mondiale, les bandes dessinées publiées dans la grande presse américaine amorcent un lent déclin. À des auteurs qui n’ont déjà qu’un contrôle limité sur leurs œuvres – la profession est dominée par les syndicates, c’est-à-dire les agences qui placent les bandes dans les journaux –, les éditeurs imposent désormais un format plus réduit, ce qui entraîne une simplification du dessin.
Les bandes humoristiques souffrent moins de cette restriction, et la période voit deux créations marquantes : en 1948, Pogo par Walt Kelly (1913-1973), satire sociale et politique sous le couvert d’une bande animalière dont le personnage central est un opossum, et en 1950 Peanuts (en français, Snoopy et les Peanuts) par Charles M. Schulz (1922-2000), qui transpose les problèmes psychologiques des adultes dans le monde des enfants.
Les « comic books »
Les comic books pour jeunes enfants se développent, influencés par le succès de Walt Disney. En 1942, Carl Barks (1901-2000) commence à travailler sur les séries mettant en scène le canard Donald (apparu en dessin animé en 1934). Il en fait un personnage aussi important que Mickey grâce à des comparses très réussis, comme l’oncle Picsou (UncleScrooge, en anglais), vieil avare richissime (1947).
Par ailleurs, la prolifération, à partir de 1950, de comic books spécialisés dans des histoires d’horreur, notamment ceux édités par la maison EC Comics de William Gaines (1922-1992), comme TheHaunt of Fear ou TheCrypt of Terror (intitulé ensuite Tales from the Crypt), provoque une vive réaction de la part des couches conservatrices de la société américaine, que le maccarthysme de l’époque rend d’autant plus réceptives aux propos sur la nécessité d’un ordre moral.
L’année 1954 marque à la fois l’apogée et le dénouement de la crise, avec successivement la publication du livre Seduction of the Innocent, dans lequel le psychiatre Fredric Wertham tente de démontrer que la lecture des comic books est l’une des causes de la délinquance juvénile, l’audition par une commission d’enquête sénatoriale de différentes personnalités du monde de la bande dessinée, et enfin l’acceptation par les éditeurs d’un ensemble de règles (Comics Code Authority) destinées à bannir de leurs publications les comportements sadiques et les scènes sanglantes.
La bande dessinée francophone des années 1960
Le rôle moteur du journal Pilote
À sa naissance, en 1959, l’hebdomadaire Pilote a manifestement pour modèle les journaux Spirou et Tintin, comme en témoignent, dès le premier numéro, ses deux bandes principales, Astérix, aventures comiques d’un guerrier gaulois, par Albert Uderzo (1927-2020) et René Goscinny (1926-1977), et Tanguy et Laverdure, une série d’aviation, également dessinée par Albert Uderzo, sur des textes du scénariste de Buck Danny dans Spirou, Jean-Michel Charlier.
Cependant, sous l’impulsion de René Goscinny, qui en devient rédacteur en chef en 1963, Pilote s’adresse progressivement à de grands adolescents et à de jeunes adultes. Dès 1962, Cabu (Jean Cabut, 1938-2015) donne avec Le Grand Duduche une vision sans mièvrerie du monde lycéen. L’année suivante débutent un western à la tonalité adulte, Blueberry, par Jean Giraud (1938-2012) et Jean-Michel Charlier, et le loufoque Achille Talon de Greg (le Belge Michel Regnier, 1931-1999). En 1965, Fred (Fred Othon Aristidès, 1931-2013) propose avec Philémon des aventures oniriques. Dans Valérian (1967), Jean-Claude Mézières (1938-2022) et son scénariste Pierre Christin (1938-2024) composent des récits de science-fiction marqués par des idées proches de la gauche et de l’écologie.
Gotlib (Marcel Gottlieb, 1934-2016) qui, comme son rédacteur en chef, a été fortement marqué par le magazine satirique américain Mad, fait preuve d’humour absurde dans sa Rubrique-à-brac(1968). Il avait abordé ce registre avec le chien Gai-Luron (1964) dans Vaillant, où Nikita Mandryka (1940-2021) allait introduire le non-sens avec son Concombre masqué (1965), aventures potagères d’un légume habitant dans un « cactus-blockhaus ».
À la fin de la décennie, Pilote occupe ainsi une place intermédiaire entre les illustrés pour enfants et les futures publications destinées aux adultes. Les journaux Tintin et Spirou sont déstabilisés, et René Goscinny, profitant de la semi-retraite d’Hergé, est devenu la figure centrale de la bande dessinée francophone. Il alimente en scénarios de nombreux dessinateurs, comme Jean Tabary (1930-2011) pour Iznogoud(1962), le vizir qui veut « devenir calife à la place du calife », et, sur le marché, les albums d’Astérix concurrencent à partir de 1965 ceux de Tintin.
Une bande dessinée qui s'émancipe
Un autre courant novateur est représenté par le journal Hara-Kiri, lancé en 1960 par François Cavanna (1923-2014) et le futur « professeur Choron » (Georges Bernier, 1929-2005). Cabu, Jean-Marc Reiser (1941-1983), Georges Wolinski (1934-2015) s’attaquent peu à peu aux tabous, ce qui ne passe pas inaperçu, puisque Hara-Kiri est frappé d’interdiction à trois reprises (en 1961, 1966 et 1970).
L'éditeur Éric Losfeld (1922-1979) provoque également des remous lorsqu’en 1964 il reprend en album Barbarella, une bande dessinée de science-fiction non exempte d'érotisme que Jean-Claude Forest (1930-1998) avait créée en 1962 dans V Magazine. Cette œuvre – qui aujourd’hui frappe surtout par sa fantaisie et son humour – devient symbolique de la libération des mœurs quand elle est adaptée au cinéma, en 1968, par Roger Vadim, avec Jane Fonda dans le rôle-titre. Éric Losfeld édite également des œuvres influencées par le pop art et l’art psychédélique, comme Saga de Xam, crééepar Nicolas Devil, avec un scénario du réalisateur Jean Rollin (1938-2010), ou Pravda la Survireuse, écrite par Pascal Thomas et dessinée par le peintre et photographe belge Guy Peellaert (1934-2008), toutes deux parues en 1967.
Les bandes dessinées des années 1960 dans le monde
Italie
En Italie comme en France, des évolutions importantes se font jour au cours de cette décennie. À partir de 1962 se répandent des publications de petit format aux héros totalement amoraux (fumettineri, c’est-à-dire « bandes dessinées noires »). En 1965, la ville de Bordighera accueille le premier festival international de bandes dessinées (Lucques lui succédera dès 1966), et un nouveau mensuel, Linus, innove en ne s’adressant qu’à un lectorat adulte. On y trouve notamment les aventures fantasmatiques de Valentina (1965) par Guido Crepax (1933-2003) et des adaptations brillantes de romans de Melville, Poe et Lovecraft par Dino Battaglia (1923-1983). En 1967, dans la revue génoise Sgt. Kirk, Hugo Pratt (Ugo Prat, 1927-1995) publie La Ballade de la mer salée, point de départ de la série Corto Maltese.
Argentine
Avant de devenir célèbre avec Corto Maltese, Hugo Pratt avait déjà derrière lui une longue carrière, notamment en Argentine, un pays qui depuis le début du xxe siècle était acquis à la bande dessinée. Il avait beaucoup travaillé avec un scénariste exceptionnel, Héctor G. Oesterheld (1919-1978), notamment pour le western Sgt. Kirk (1953). Oesterheld, disparu tragiquement sous la junte militaire (1976-1983), est aussi l’auteur d’une série de science-fiction célèbre en Argentine, L’Éternaute(1957), dessinée par Francisco Solano López (1928-2011), et le scénariste d’Alberto Breccia (1919-1993), un des maîtres du noir et blanc, pour les histoires fantastiques de Mort Cinder (1962), un être immortel. Dans un genre plus léger, l’Argentine connaît un succès international avec Mafalda (1964), petite fille contestataire imaginée par Quino (Joaquín Salvador Lavado, 1932-2020).
États-Unis
L’élimination des bandes dessinées d’horreur va permettre aux super-héros de dominer à nouveau les comic books. En quelques années, le dessinateur Jack Kirby (Jacob Kurtzberg, 1917-1994) et le scénariste Stan Lee (Stanley Lieber, 1922-2018) remodèlent et enrichissent cet univers. En 1961, ils créent les Fantastic Four, quatre super-héros qui veillent sur l’humanité. L’année suivante, Stan Lee imagine un homme-araignée, Spider-Man, dessiné par Steve Ditko (1927-2018), et en 1963, à nouveau associé à Jack Kirby, il donne vie aux X-Men, un groupe de mutants aux pouvoirs extraordinaires. En 1969, le dessinateur Frank Frazetta (1928-2010) propose avec Vampirella une version féminine de Dracula. Les années 1956-1969 seront vues a posteriori comme une nouvelle époque bénie pour les comic books, appelée par les spécialistes du genre silver age, un « âge d'argent », en référence à « l’âge d'or » (golden age) de la période 1938-1945.
La seconde partie de la décennie voit aussi l’émergence d'une bande dessinée qui s’inscrit dans un mouvement de contestation de l’idéologie américaine (chanteurs engagés, phénomène hippie, manifestations contre la guerre du Vietnam). Ce refus des valeurs traditionnelles, perceptible déjà au cours des années 1950 dans la revue Mad dirigée par Harvey Kurtzman (1924-1993), anime ces bandes dessinées, dites underground (souterraines), car elles sont produites en marge des structures habituelles d'édition et de diffusion. Les dessinateurs emblématiques de ce courant sont Robert Crumb, créateur de Fritz the Cat (1965), et Gilbert Shelton, qui avec The FabulousFurryFreak Brothers (1967) raconte les tribulations de trois hippies surtout préoccupés par l’état de leur réserve de cannabis.
L’évolution de la bande dessinée, dans les années 1960, reflète celle de la société : véhicule de notre imaginaire, la bande dessinée révèle notre monde intérieur, probablement plus que d'autres moyens d'expression. Au moins, à ce titre, elle devrait intéresser les sociologues d'aujourd'hui et les futurs historiens.
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- Dominique PETITFAUX : historien de la bande dessinée
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