COMIT� FRAN�AIS D'HISTOIRE DE LA G�OLOGIE (COFRHIGEO) (s�ance du 19 juin 2002)
� Le d�sert renvoie leur image aux hommes qu�il tente : il est riche de leur �me �. Dicton arabe.
C�est gr�ce � l�audace de quelques g�ologues fran�ais que l�exploration p�troli�re du Sahara a commenc� en 1952, dans une incr�dulit� quasi-g�n�rale. Deux soci�t�s se sont d�abord engag�es : la SN Repal[1] (BRP[2]) et la Compagnie fran�aise des p�troles, suivies de peu par la CREPS[3] (R�gie autonome des p�troles) et la CPA[4] (Shell).
Les premi�res d�couvertes (1952-1955) ne concernent que des accumulations de gaz sec, alors regard� comme un objectif mineur. Les d�couvertes d�huile ne se produisent qu�au d�but de l�ann�e 1956, d�abord dans la bordure m�ridionale du bassin avec Edjeleh, puis Tiguentourine, par la CREPS. En juin, un indice d�huile est d�couvert dans le nord, par la CFP(A)[5], pr�s de Ouargla ; enfin survient en juillet 1956 la d�couverte du champ g�ant de Hassi Messaoud � Md1 (SN Repal), confirm� un an plus tard par Om1 (CFP(A)). Entre temps, la SN Repal d�couvrait un autre g�ant, de gaz humide celui-ci, � Hassi R�Mel. Ces d�couvertes valent une visite du g�n�ral de Gaulle sur le chantier de Hassi Messaoud en mars 1957.
Hassi Messaoud pour le p�trole, et Hassi R�Mel pour le gaz, qui figurent, depuis 1967,� parmi les plus grands gisements du monde, repr�sentent encore 80% des r�serves d�hydrocarbures de l�Alg�rie.
Mots cl�s : souvenirs - exploration - gaz - p�trole - Alg�rie - XXe si�cle.
The first discoveries (1952-1955) just concern dry gas accumulations which were considered of a very limited interest. Oil discoveries only happened at the beginning of 1956, first in the southern edge of the sedimentary basin with Edjeleh, then Tiguentourine, by the CREPS. In June, an oil seepage is observed in the northern region, near Ouargla, then happen in July 1956 the discovery of the major field of Hassi Messaoud at Md1 (SN Repal), confirmed one year later by Om1 (CFP (A)). By the way, SN Repal discovered another giant of wet gas : Hassi R�Mel. These discoveries won us in March 1957, a general de Gaulle�s visit at Hassi Messaoud.
Since 1967, Hassi Messaoud for oil, Hassi R�Mel for gas, are among the greatest fields in the world. They represent 80% of the hydrocarbon reserves of Algeria.
Key-words : memories - exploration - gas - oil - Algeria - XXth century.
Tout avait commenc�, il y a cinquante ans, avec la mission de reconnaissance g�ologique au Sahara � l�initiative de Michel Tenaille, g�ologue, et directeur de la soci�t� alg�rienne SN Repal, cr��e en 1946 par le Bureau de recherches p�troli�res[6]. Depuis ses d�buts, prospectant dans le nord du pays, et n�ayant fait que de petites d�couvertes telles qu�� Sidi A�ssa, pr�s d�Aumale, sur les Hauts Plateaux, dans la r�gion de l�Oued Gueterini, et enfin dans le Ch�lif, pr�s de Relizane, elle pla�ait d�sormais son r�ve dans le Grand Sud. Le Sahara de l��poque �tait encore le vaste d�sert mythique, inspirant la crainte et le respect. Jalousement c�l�br� par Antoine de Saint-Exup�ry (1900-1944)[7], il avait d�j� �t� �tudi� par divers pionniers tels que le naturaliste Th�odore Monod (1902-2000)[8], le g�ographe Robert Capot-Rey (1897-1977)[9], les g�ologues Nicolas Menchikoff (� 1992), Maurice Lelubre et surtout Conrad Kilian (1898-1950), qui ajoutait � la singularit� de sa stature d�explorateur et de sa vie romanesque, une vision d�ensemble de la g�ologie saharienne assortie de la conviction[10], qui se heurtait aux railleries, que, quelque part sous les sables, devaient exister des gisements de p�trole[11]. Les milieux officiels recevaient ses avis avec suspicion, tandis que quelques confr�res amis lui gardaient leur estime et le soutenaient dans ses �preuves et sa maladie[12].
Pour sa mission en novembre 1948, s�il n�avait pas Kilian � ses c�t�s, Tenaille avait obtenu la participation de deux g�ologues universitaires : Nicolas Menchikoff de Paris, et Robert Laffitte d�Alger, outre Armand Colot et J. Follot. Il pria en outre Willy Bruderer, g�ologue de la Compagnie fran�aise des p�troles de se joindre � eux. Mieux valait s�assurer un solide partenaire pour jouer une aussi vaste partie.
La CFP, apr�s la premi�re guerre mondiale, s��tait vue confier la part du p�trole de l�Irak Petroleum Company qui revenait � la France. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, le pr�sident Victor de Metz, qui assumait la lourde charge de g�rer ce pactole, devait d�abord, avec sa compagnie de statut priv�, assurer les approvisionnements p�troliers de notre pays depuis la production, le transport et le raffinage, jusqu�� la distribution. Aux yeux de Michel Tenaille et de son directeur g�n�ral Armand Colot, il repr�sentait l�associ� id�al. Il fallait donc d�abord convaincre, sur le terrain, le conseiller �cout� du pr�sident de la grande soci�t� parisienne. Les arguments en faveur de l�exploration p�troli�re du Sahara ne manquaient pas, mais la prudence s�imposait � celui-ci, malgr� l�insistance officielle qui le poussait � participer � cette vaste entreprise en � zone franc �. Encore fallait-il que les chances de succ�s ne soient pas nulles ; or, hormis Kilian, jug� peu cr�dible, il existait tr�s peu de gens qui croyaient au p�trole du Sahara[13]. Entre autres Menchikoff �tait des plus sceptique. Il fallait donc aller juger sur le terrain, autant que faire se peut.
La fameuse mission parcourut en quelques mois les affleurements du Pal�ozo�que de la ceinture tassilienne au nord du Hoggar et put v�rifier le bien fond� de la vision d�ensemble du bassin s�dimentaire de toute la partie orientale du Sahara septentrional propos�e par Kilian. Bruderer en fut rapidement convaincu, et son exp�rience acquise au Maroc et surtout au Moyen-Orient, rendait son jugement des plus cr�dible. Sans doute les sceptiques fondaient-ils leurs doutes essentiellement sur l�absence d�indices de surface. Au Sahara, il est vrai, il n�existe pas de feux �ternels, pas de suintements, pas de sources alimentant des mares de p�troles... comme on peut en voir en Irak dans les parages de Kirkouk, que Bruderer connaissait bien. Mais enfin, si les indications d��vidence �taient aussi imp�ratives comme pr�alable � l�exploration, � quoi serviraient les g�ologues ? Ici un vaste et �pais recouvrement m�sozo�que et tertiaire �tait venu occulter l�ensemble des s�ries suppos�es p�trolif�res d�un immense bassin s�dimentaire. Depuis le massif du Hoggar, les s�ries pal�ozo�ques structur�es par un �ventail de failles majeures de direction m�ridienne, font alterner, d�ouest en est, dorsales et foss�s dont l�ensemble forme une sorte de main gigantesque qui s�enfonce vers le nord, m�nageant ainsi en profondeur des zones propices � la gen�se de p�trole, voisinant avec d�autres zones, sur�lev�es, capables de le pi�ger. Ces conclusions de la mission de 1948 furent assez convaincantes pour le pr�sident de Metz, d�autant plus, avait pu glisser Bruderer, que ce Sahara r�put� sans indices, venait de r�v�ler des traces d�huile dans le Carbonif�re, � 250 m de profondeur, au fond d�un puits d�eau de la r�gion d�In Salah ![14]. La grande aventure allait pouvoir commencer.
Figure 1. Le domaine minier au Sahara alg�rien et en Tunisie en 1956.
(d�apr�s A. Morange, A. Perrodon et F. H�ritier).
C�est en juin 1949, que la CFP s�engagea au Sahara aux c�t�s de la SN Repal, selon des modalit�s qu�il restait � d�finir. Le principe fut celui de la joint venture, d�j� en usage dans le monde anglo-saxon, c�est-�-dire � risques partag�s : frais et profits pour moiti� dans chacun des permis qui leur �taient allou�s. Chaque partenaire gardait dans ceux-ci une compl�te ind�pendance financi�re et technique, assortie d�une collaboration entre les services g�ologiques des deux soci�t�s. Apr�s de longues discussions entre les principaux interlocuteurs : Armand Colot (SN Repal-BRP) et Jacques B�n�zit (CFP), l�accord fut sign� le 28 juin 1951. Quatorze permis furent ainsi demand�s pour cinq ans, entre le 30e et le 34e parall�le ; par tirage au sort, les num�ros impairs revenant � la CFP et les num�ros pairs � la SN Repal. Leur superficie totale �tait voisine de 250 000 km2, la moiti� des surfaces devant �tre restitu�e � l�issue de cette premi�re p�riode. Tr�s satisfait de cet accord, le Gouvernement g�n�ral de l�Alg�rie en esp�rait un d�veloppement d�cisif du pays car, quelle que soit l�issue de cette vaste entreprise, il en resterait l�acquis de nouveaux puits d�eau, assez nombreux pour permettre un bel essor agricole des oasis. Quant aux partenaires, ils s��taient piqu�s au jeu, et commen�aient � croire � ce p�trole saharien. Ils n��taient pas les seuls, car des �mules s��taient manifest�s (Fig. 1).
Un peu plus tard, en f�vrier 1952, une � zone sud �, au del� du 30e parall�le fut demand�e par une autre association, la Compagnie de recherches et d�exploitation des p�troles au Sahara (CREPS), et la Compagnie des p�troles d�Alg�rie (CPA). Celle-ci �tait une filiale de la Shell, tandis que la premi�re �tait encore une �manation du p�trole national fran�ais. Cette fois la r�gle de partage �tait de 65/35%, avec des permis en deux bandes parall�les : CPA au nord, sur 190 000 km2 ; CREPS au sud sur 250 000 km2. Dans ces r�gions, certes plus �loign�es de la c�te, les objectifs �taient plus faciles � d�finir et � forer, �tant moins profonds et, � partir des observations g�ologiques de surface, il �tait possible d�implanter des sondages. Concernant la � zone nord � en revanche, si la c�te �tait plus proche, ainsi que la base d�Alger, comment d�cider de l�implantation des sondages ? Rien en surface ne laissait soup�onner l�existence, ici plut�t que l�, d��ventuelles structures susceptibles d�accumuler du p�trole dans les tr�fonds de ce d�sert d�sesp�r�ment vaste et plat. De plus ces �ventuels gisements seraient profonds � au del� de 3000m �, exigeant ainsi des appareils de forage puissants, c�est-�-dire plus chers, plus encombrants et plus lourds, donc de transport difficile en terrains sablonneux. Le financement de ces recherches relevait des fonds publics en ce qui concerne la SN Repal, mais la CFP �tant une soci�t� priv�e[15] ne pouvait compter que sur ses revenus propres[16]. Par chance ils devenaient importants justement en 1951-1952, gr�ce � ses 23,75% de l�Irak Petroleum Company qui venait opportun�ment d�accro�tre sa production de fa�on importante. Cela �tait rendu possible par la mise en service, obtenue de haute lutte par la CFP, de l�ol�oduc de Kirkouk � Banias sur la c�te syrienne. La part de p�trole brut de la compagnie s��levait alors � 5 millions de tonnes par an, qu�il fallait donc transporter en France, puis raffiner et distribuer.
En janvier 1953 fut constitu�e la Compagnie fran�aise des p�troles (Alg�rie), filiale de la CFP, au capital de 2 milliards de francs, ayant son si�ge � Alger, qui se substituait d�s lors � la maison m�re comme op�rateur au Sahara et comme associ� de la SN Repal. Tout �tant pr�t, leurs permis, d�pos�s conjointement le 15 octobre 1952, faisaient l�objet d�un arr�t� sign� d�s le lendemain de ce jour. Jacques B�n�zit devenait pr�sident de la CFP(A), Henri Vautrin, directeur g�n�ral et directeur de l�exploration, remplac�s plus tard dans ces fonctions respectivement par Pierre Germes et Claude de Lapparent. Il restait � recruter le personnel n�cessaire � la mise en �uvre des op�rations de recherche : g�ologues pour �tudier la s�rie s�dimentaire, g�ophysiciens pour reconna�tre la morphologie profonde, topographes... etc.
Quant � moi, durant tout le temps de ces pr�mices, je terminais mes �tudes de g�ologie � Paris, bien d�cid�, apr�s une ann�e de service militaire, � les couronner par un doctorat �s sciences au laboratoire du professeur Pierre Pruvost qui rempla�ait depuis peu Charles Jacob � la Sorbonne. Mais le destin en avait d�cid� tout autrement. Je voulais en effet me marier d�s mon retour � la vie civile. Celui qui devait �tre mon directeur de th�se comprit parfaitement mon d�sir d�entrer directement dans la vie professionnelle et me parla de la Compagnie fran�aise des p�troles qui recherchait un jeune g�ologue pour le Sahara. Mon entretien avec Henri de Cizancourt, directeur du service g�ologique de la CFP fut concluant. Ainsi, ayant quitt� la veille mon uniforme de sous-lieutenant de chasseurs alpins, je signais mon contrat d�embauche le 13 f�vrier 1953 � Paris. Mari�s en juillet, � mon retour d�un stage au Moyen-Orient sous la houlette de Louis Dubertret, nous �tions � Alger au d�but du mois de septembre. Deux mois plus tard nous circulions en jeep, sur les pistes du sud, dans les Confins alg�ro-marocains. Andr� Poueyto conduisait la mission. Il s�agissait de reconna�tre, de mesurer et d��chantillonner les formations du Pal�ozo�que qui affleuraient dans ces r�gions. C��tait la premi�re d�une s�rie de quatre grandes missions qui nous permirent d��tudier ensuite avec Dominique Massa et Pierre-F�lix Burollet, la bordure nord du Hoggar du Tidikelt � l�ouest, de l�Ahnet et du Mouydir jusqu�au bassin de Fort-Polignac � l�est ; outre la r�gion de Colomb-B�char : la Zousfana, la Saoura et l�Ougarta. Depuis l�automne 1953, ces missions occup�rent, � raison de deux � trois mois chacune, toute l�ann�e 1954 et jusqu�au d�but de 1955, quand je fus mobilis� au titre du maintien de l�ordre, comme chef de section dans les gorges de la Chiffah, sur la route de M�d�a. Mais au bout de quelques mois, mon activit� professionnelle �tant consid�r�e comme � indispensable � la vie �conomique du pays �, j��tais lib�r� et, toujours � affect� sud �, je me retrouvais g�ologue r�sident sur un chantier de forage saharien.
Les sondages avaient en effet commenc�, bien que la g�ophysique n�ait encore apport� qu�une image structurale bien sommaire de nos immenses permis. Le coup d�envoi avait �t� donn� par la SN Repal, en octobre 1952, sur la fameuse dorsale du M�zab, un trait structural majeur d�fini par Nicolas Menchikoff. C��tait � proximit� de Berriane, un village mozabite situ� � 40 km au nord de Gharda�a. Le sondage y r�v�la d�abord une �paisseur r�duite de Jurassique, puis quelques centaines de m�tres de sel massif du Trias ; enfin, vers 2300 m, le g�ologue Jean-Marc Aym� observa des marnes noires intercal�es de gr�s asphaltiques. Le test qui suivit fut �ruptif, d�bitant de l�eau sal�e fortement �mulsionn�e de gaz de p�trole. Il y avait l� un bel indice qui fit grand bruit[17]. La formation sous-jacente n��tait autre que la s�rie des gr�s grossiers plus ou moins quartzitiques du Cambro-ordovicien mais, malgr� son faci�s, elle fut d�abord consid�r�e comme triasique, plut�t que d�admettre l��rosion totale de la s�rie sup�rieure du Pal�ozo�que, ce qui changeait compl�tement l�interpr�tation g�ologique de la r�gion. On voulut alors comprendre, et au lieu d�aller vers le sommet de la dorsale vers le nord-ouest de Berriane, au risque de d�couvrir un vaste gisement de gaz, on fora d�lib�r�ment vers le sud-est un puits stratigraphique � El Gol�a, au sud de Gharda�a, � la recherche de la s�rie perdue. Cette fois � entre deux � doigts � (cf. p. 97) � le Pal�ozo�que �tait bien pr�sent, et l�on crut pouvoir trouver en position structurale int�ressante, sur la frange sud de l�Erg occidental, les r�servoirs gr�seux du D�vonien impr�gn�s d�huile, et non de gaz[18]. Cet espoir obstin� valut bon nombre de puits st�riles.
Pendant ce temps, que se passait-il chez nos coll�gues du sud ? Partis en dernier, ils �taient en avance sur les voisins du nord, �tant avantag�s dans l��tude g�ologique de leur r�gion par l�absence ou l�extension tr�s limit�e de la couverture m�sozo�que et tertiaire, qui leur permettait de reconna�tre les structures anticlinales sur cartes photog�ologiques, puis d�en faire sur le terrain un lev� pr�cis. D�s 1952, dans le bassin d�Illizi[19], une premi�re mission des g�ologues de l�IFP : Tr�mpy, Guillemot et Michel, pour le compte du BRP, avait r�v�l� l�existence du d�me d�Edjel�, pr�s de la fronti�re libyenne avec, au coeur de l�anticlinal faill�, des indices d�huile en surface dans le Carbonif�re inf�rieur.
L�association � 65/35% entre la CPA, filiale de la Shell, et la CREPS, issue des instances p�troli�res nationales, re�ut ses permis[20] en mai 1953, seulement quelques mois apr�s leurs devanciers du nord. Puis, pendant que ceux-ci foraient � El Gol�a, la CREPS d�couvrait en mars 1954, � quelque 80 km au sud-ouest d�In Salah et � 1450 m de profondeur, le premier v�ritable gisement d�hydrocarbures du Sahara : le champ de gaz sec (m�thane) du Djebel Berga. Le r�servoir du D�vonien inf�rieur d�bitait 600 000 m3/jour aux essais. Ainsi, tandis que les sondages se multipliaient, le Sahara commen�ait � appara�tre comme une province � gaz, car divers sondages dans l�Ahnet, voire l�Azzel Matti vinrent ensuite le confirmer ; cependant il fallait bien admettre aussi l�existence d�indices d�hydrocarbures liquides.
D�ailleurs, l�existence de bonnes roches m�res de p�trole, et celle de r�servoirs gr�seux, avait �t� reconnue depuis longtemps, notamment par Kilian. Les r�centes missions de terrain les avaient en outre rep�r�es, mesur�es, cartographi�es et d�ment d�crites dans leurs caract�ristiques lithologiques et pal�ontologiques. La s�rie du Pal�ozo�que, avec une belle constance sur l�ensemble du bassin, pouvait d�s lors se r�sumer ainsi :
Sur le substratum granitique et la s�rie infracambrienne, dite des � Gr�s de l�Ahnet �, sont install�s les � Gr�s inf�rieurs � d��ge cambro-ordovicien, �pais de 700 � 1000 m. Hormis quelques pass�es argilo-gr�seuses � leur sommet, il s�agit d�une puissante formation de gr�s grossiers, g�n�ralement quartzitiques. L�ensemble, m�diocrement poreux et perm�able, �tant de plus en position stratigraphique d�favorable, �tait alors consid�r� comme � le socle p�trolier �, c�est-�-dire � hors jeu � dans la recherche de gisements. Sur le terrain, ils constituent la premi�re enceinte tassilienne autour du Hoggar.
Les argiles � graptolites qui forment ensuite le Silurien (ou Gothlandien), repr�sentant en moyenne 200 � 300 m d��paisseur, d�finissent, � l�affleurement, ce que Conrad Kilian � baptis� la � d�pression intra-tassilienne �, constituant une large vall�e autour du Hoggar. Ces argiles noires, facilement �rod�es, charg�es de fossiles et de mati�re organique furent tout de suite consid�r�es comme d�excellentes roches m�res du p�trole par Kilian qui justifiait ainsi sa foi dans le p�trole saharien.
La formation post�rieure est une nouvelle assise gr�seuse puissante : � les Gr�s sup�rieurs � formant le Tassili externe, d�une �paisseur de 500 m en moyenne. Certains niveaux gr�seux pr�sentent de bonnes caract�ristiques de r�servoir. Ils �taient l�objet de tous les espoirs des campagnes de forages, car c�est par eux, pensait-on g�n�ralement, que l�on pouvait esp�rer la d�couverte d�un gros gisement. L��poque de leur d�p�t est le D�vonien inf�rieur.
Le D�vonien moyen qui vient ensuite est beaucoup moins �pais et constitue un �pisode calcaire et argileux, avec d�abondants fossiles marins, notamment des Goniatites.
Le D�vonien sup�rieur, �paisse s�rie argileuse de 500 � 600 m de puissance, est une r�plique du Gothlandien, avec d�abondants fossiles et microfossiles vari�s, et une teneur importante en mati�re organique lui conf�rant aussi un potentiel p�trolier certain, pourvu que des r�servoirs convenables, en position structurale favorable, soient � m�me d�en recevoir le � distillat �.
Au dessus, le Carbonif�re est en mesure de jouer ce r�le, au moins dans les r�gions o� il n�est pas �rod�. Ayant en effet, �t� � plusieurs reprises �merg� et tectonis�, notamment � l��poque hercynienne, le Sahara a subi de tr�s s�v�res ablations de sa couverture s�dimentaire, avant que les mers du M�sozo�que ne viennent submerger les reliefs r�siduels par des d�p�ts, demeur�s ensuite tabulaires, de sel et autres �vaporites, de calcaires, de marnes et de sables, morts-terrains venus, par milliers ou au moins centaines de m�tres d��paisseur, recouvrir un paysage pal�ozo�que fossilis�, masquant ses richesses p�troli�res et les prot�geant ainsi d�une trop facile convoitise.
S��tant forg� le jugement par l�observation des roches de surface, s��tant appliqu� � en distinguer les diff�rents faci�s, et leur pr�cieux contenu en fossiles, le g�ologue est ensuite mis � l��preuve des chantiers de forage. Par bonheur, il dispose parfois de carottes, mais quand il faut arracher celles-ci � deux ou trois kilom�tres de profondeur, il doit y regarder � deux fois car l�op�ration est longue et on�reuse. Au quotidien il lui faut se contenter de ces maigres d�blais de roches concass�es par les dents du tr�pan � les � cuttings � � et remont�s en surface dans le circuit de boue du forage. Apr�s quelques mois de stage au Maroc sur des chantiers du Rharb, l�usage de la loupe binoculaire, de la lampe de Wood[21], et l��laboration du log lithologique des terrains travers�s en sondage m��taient devenus familiers. Les essais des couches-r�servoirs, consistant � leur faire d�biter en surface le fluide qu�elles contiennent, ne l��taient pas moins... ayant eu le privil�ge, pendant la dur�e de mon stage, de contr�ler tous les tests de nuit des chantiers de la r�gion de Petitjean !
Mais comment nos �tats-majors d�cidaient-ils de l�implantation des sondages dans cette partie nord du Sahara au sous-sol �nigmatique, sans indications de surface ? Seules les m�thodes g�ophysiques pouvaient leur apporter une aide, et l�on avait d�ailleurs pris de l�avance avec une campagne de gravim�trie[22] lanc�e d�s 1948. Son bilan, d�un flou impressionnant, conduit alors � essayer encore divers profils de sismique r�flexion, mais les r�sultats de ceux-ci sont tout � fait confus et inutilisables. Devant ces �checs, il est d�cid� avec la Compagnie g�n�rale de g�ophysique (CGG), d�essayer la vieille m�thode de sismique r�fraction. Le premier essai met en �vidence des marqueurs profonds caract�ris�s par des vitesses horizontales de 4000 � 6000 m/s. Dans la foul�e, on effectue, d�ouest en est, une campagne d�une vingtaine de � sondages-r�fraction �[23] en utilisant les pistes chameli�res. Le sondage de Berriane avait permis d�assimiler au socle le second marqueur qui sera d�s lors syst�matiquement cartographi�. En effet, l��paisse couche de sel du Trias qui jouait le r�le d��cran aux ondes sismiques directes, �tait perm�able aux trains d�ondes r�fract�es qui ramenaient en surface des �chos utilisables des puissantes explosions d�clench�es en surface. La premi�re campagne en fut lanc�e d�s le d�but de 1952 par la SN Repal, � l�instigation notamment d�Igor Ortynski, et mise en �uvre par la Compagnie g�n�rale de g�ophysique. Si les cartes et profils ainsi obtenus constituaient enfin un �norme progr�s, ils laissaient encore le champ libre � l�intuition des g�ologues et au hasard. Ainsi fut soulign�e, dans l�axe de la dorsale du M�Zab, l�existence du fameux d�me de Tilrempt, et c�est en contre-bas de celui-ci que fut for� Berriane n�1. Mais on se tint ensuite malencontreusement � distance du sommet de la structure. Apr�s Berriane et El Gol�a, on fit encore un autre sondage stratigraphique profond � Touggourt. Au total on perdit trois ans en une vingtaine de sondages st�riles avant de d�couvrir Hassi R�Mel, � seulement 45 km au nord-ouest de Berriane. En songeant d�une part au rendu de la moiti� de la surface des permis en 1957, d�autre part � la r�partition des points de calage de la sismique r�fraction, on avait jug� plus sage de forer d�abord � larges enjamb�es, pour esquisser les grandes lignes d�une carte structurale du socle, principal marqueur de la r�fraction, au b�n�fice enfin d�un � piquetage stratigraphique � du domaine minier.
Cependant, sur la frange orientale du Grand Erg occidental, au nord d�El Gol�a, r�put�e en position favorable, on tournait encore en rond � la recherche d�un r�servoir fant�me et d�une fermeture vers le nord. C�est � ce stade de l�exploration que d�buta dans ces parages ma carri�re de g�ologue de chantier sur le � rig �[24] H 750 de la CFP(A). Le mot d�ordre �tait la d�couverte d�huile et non de gaz. Ainsi, la SN Repal qui avait marqu� peu d�int�r�t aux indices gazeux de Berriane, s�obstina � forer plusieurs puits sans succ�s, sur la foi de � bons indices d�huile � observ�s dans le premier sondage de la s�rie des Bordj Nili n�1 � 4. CFP(A) s�acharna un peu plus encore sur le concept de biseau gr�seux devant surmonter les argiles noires du Gothlandien, en effet bourr�es d�indices, mais d�nu�es de niveaux poreux susceptibles d�impr�gnations p�troli�res. Je les ai souvent observ�s, ces indices solubles au chloroforme et donnant de belles fluorescences jaunes sous la lampe � ultra-violets. Malheureusement tous les tests effectu�s dans les parages �taient d�clar�s � secs �, car ils ne d�bitaient faiblement que de l�eau sal�e ! Entre 1955 et 1956, dans les blocs II et III, les partenaires du nord for�rent ainsi une douzaine de puits st�riles. Le bilan provisoire du moment semblait renforcer la position des incr�dules, et les financiers rappelaient que les d�penses approchaient d�j� les 30 milliards (d�anciens francs).
Au sud, en revanche, o� les r�serves de gaz prouv�es �taient assez consid�rables, on esp�rait bien trouver de l�huile... et la CREPS fut la premi�re � crier victoire le 5 janvier 1956. Dans le bassin d�Illizi, le p�trole jaillit du puits d�Edjeleh 101, implant� sur le m�le du Tihemboka, � proximit� de la fronti�re libyenne. L��ruption d�huile se produisit en traversant un r�servoir du Carbonif�re inf�rieur, par 400 m de profondeur. Les essais de production, donn�rent une huile de bonne qualit� avec un d�bit de 50 m3/jour. Ce fut l��v�nement ! Il remplit de joie les d�couvreurs et d�espoir leurs coll�gues du nord. Enfin le p�trole du Sahara sortait de l��tat mythique.
A peine quelques mois plus tard, je crus moi-m�me pouvoir annoncer la premi�re d�couverte d�un gisement dans le nord, lorsque j�assurais la surveillance g�ologique du sondage de Talemzane, (Li 1), implant� au sud-ouest d�Ouargla, sur une anomalie sismique. Mais on eut dit que l��v�nement refusait de survenir...
Voil� comment les choses se sont pass�es. C��tait en mai 1956 ; Henri Vautrin notre directeur des services g�ologiques, d�sormais � Paris, �tait venu en tourn�e au Sahara et ne voulait pas manquer la visite du chantier de notre bel appareil de forage EMSCO J 1400[25] o� j��tais r�sident. Mais la travers�e de l��paisse couche de sel triasique �tait longue et monotone, et il fut convenu d�une courte excursion g�ologique, le 11 mai, jusqu�au crat�re m�t�oritique de Talemzane, assez peu connu, et que nous n�avions vu ni l�un ni l�autre autrement que par avion. En une heure de jeep nous y �tions, et f�mes assez impressionn�s par cette belle cicatrice circulaire, de plus d�un kilom�tre de diam�tre et de plusieurs dizaines de m�tres de profondeur. Il �tait exclu de voir l� un ph�nom�ne diapirique, la masse de sel sous-jacente �tant beaucoup trop profonde. Il s�agissait bien de l�impact d�un objet c�leste... D�ailleurs, ajoutais-je, Saint-Exup�ry l�avait d�j� dit dans Terre des hommes lorsque, naufrag� du d�sert, il m�ditait sur ces cailloux noirs qui jonchaient le reg et qui, selon lui, �taient des pierres tomb�es du ciel car, expliquait-il, � sous un pommier il ne peut tomber que des pommes �, et sous le grand ciel du Sahara, il ne pouvait tomber que des m�t�orites... L�explication amusa beaucoup mon h�te, et quand j�ajoutais que cet impact �tait peut-�tre le signe du ciel qui manquait jusqu�alors � nos recherches, il en accepta volontiers l�augure ! Il faut dire qu�� Paris, comme � Alger, les sceptiques avaient repris la parole, doutant plus que jamais du p�trole saharien, � � une petite plaisanterie qui co�te 4 milliards par an � la compagnie ! � � et Willy Bruderer se sentait dans ses petits souliers. Malade, il �tait parti faire une cure de sommeil en Suisse. Michel Tenaille, parti au S�n�gal, �tait remplac� par son adjoint Igor Ortynski. Le clan des Sahariens s��tiolait...
Henri Vautrin reparti, nous �tions toujours dans le sel et j�en guettais la fin chaque jour � la loupe. Dimanche 17 juin je constate du nouveau dans les d�blais ; je fais imm�diatement arr�ter le forage pour prendre une carotte, et j�en rends compte � Alger par un message explicite : � Gr�s fins micac�s impr�gn�s d�hydrocarbures. Belle fluorescence jaune �. A la sortie de la carotte l��vidence de la pr�sence d�huile �tait confirm�e non seulement par de vives fluorescences de couleur jaune p�le, mais aussi par une bonne odeur d�hydrocarbures qui envahit le plancher de la sonde. Il s�agissait maintenant de tester[26] le niveau impr�gn�. Cependant, le profil du trou �tait tr�s irr�gulier et l�assise du packer[27] n��tant pas �tanche, ce fut un �chec. A pr�s de 3 000 m de profondeur chaque man�uvre[28] demande des heures. Il fallait donc recommencer avec un packer neuf. Malheureusement les m�mes causes produisant les m�mes effets, le nouveau packer fut aussi d�chir� et la fuite de pression hydrostatique ne permit pas au fluide de la couche de monter dans les tiges. Il fallut recommencer � nouveau, car je tenais absolument � ce test, malgr� les grognements de protestation, voire l�ironie des foreurs dont la confiance s��moussait � force de man�uvres inutiles : � Tout �a pour quoi ? Un petit d�bit d�eau sal�e ! �.
Et ce fut le troisi�me essai ; et un nouvel �chec... C��tait contrariant ! Alors on d�cida d�utiliser les grands moyens, m�me si un certain scepticisme r�gnait aussi � Alger, on allait mettre cette fois un packer am�ricain qu�on fit venir tout expr�s du Maroc, encadr� de deux autres. Jacques Deltour chef du service des � Op�rations sp�ciales �, me l�annon�a � son arriv�e d�Alger, ajoutant qu�il m�apportait en m�me temps � la mal�diction des services techniques � (!). Le dispositif �tant mis en place au fond du puits, on ouvrit le � tester �[29] et l�on observa tout de suite un d�bit au compteur, mais gr�ce � un tampon d�eau inject� par pr�caution dans les tiges, l�arriv�e du fluide de formation en surface serait diff�r�e et mieux contr�l�e, car la pression de couche �tait fort �lev�e, de l�ordre de 400 kg/cm2. Lorsque les 2 000 m de tampon d�eau seraient d�bit�s, vers 15 h, on saurait enfin la nature du fluide impr�gnant la couche. La plupart des gens pariaient sur l�eau sal�e ; le g�ologue �tait plus optimiste !
Or le 25 juin � midi, tandis que tout le monde se mettait � table, mes assistants arriv�rent essouffl�s en criant : � De l�huile ! de l�huile ! �. Alors tout le monde abandonna sa place pour courir vers la sonde, mais ils �taient loin derri�re moi quand j�arrivais, hilare, sur le plancher. Toutes ces ch�res bonnes t�tes du chantier �taient l�, r�jouies, contemplant b�atement la t�te de puits et se laissaient �clabousser par cette premi�re huile � nordiste �, si pr�cieuse, qui sentait bon la gazoline et... le gros lot. On ne vouait plus le g�ologue aux g�monies. Bient�t, pourtant, avec ce qui va suivre, on oubliera tout cela. La mal�diction allait faire son �uvre. Cette premi�re huile du nord devait en rester � une production hom�opathique : environ 700 litres...Tous les essais suivants, apr�s poursuite du carottage, ne donn�rent que de l�eau sal�e �mulsionn�e de gaz. Et Li 2, le second sondage que l�on fit � proximit� fut encore moins brillant. Ici, les maigres, mais authentiques, � gr�s du Trias � avaient donn� tout ce qu�ils pouvaient.
Pendant ce temps-l�, la CREPS triomphante d�couvrait � Tiguentourine, dans les parages d�Edjeleh, un autre vrai gisement d�huile...
Et toujours pendant ce m�me temps, dans la � zone nord � cette fois, un autre g�ologue de chantier, non moins savoyard que le premier, vivait en parall�le sa propre aventure, c��tait Albert Pachoud... Pour la SN Repal, comme pour la CFP(A), l��ch�ance du premier rendu de permis, cinq ans apr�s le d�but des travaux, �tait pr�occupante. Comment sur la foi des r�sultats acquis se d�cider � conserver la bonne moiti� des surfaces acquises? L�une des principales ind�cisions concernait les permis IX (Ouargla) et XII (Oued Mya). Or la sismique-r�fraction montrait une grande anomalie structurale chevauchant la limite entre les deux permis. Les services de g�ophysique de la SN Repal et de la CFP(A), dirig�s respectivement par Jacques Cholet et Gilbert Pommier, avaient trac� l�, d�abord sur la foi de deux profils qui se croisaient � proximit� de cette � fronti�re �, une amorce de structure sud-ouest/nord-est. Et c�est � ce stade rudimentaire que fut d�cid�e l�implantation de Md1. Voil� qui tombait bien, car on allait pouvoir faire d�une pierre deux coups en forant d�un seul c�t� pour reconna�tre cette vaste structure profonde, et l�on pourrait en tirer les cons�quences pour les rendus des deux permis. Dans l�ann�e qui suivit, on tira en compl�ment deux profils de r�fraction qui permirent de � fermer � la structure qui prenait l�allure d�une bosse du socle de plus de 100 km de grand axe, aussit�t baptis�e � l��uf de Pommier � par les g�ologues de la CFP(A), peut-�tre l�appelait-on � l��uf de Cholet � chez nos associ�s...? (Fig. 2).
Figure 2. L�anomalie structurale de Hassi Messaoud interpr�t�e par G. Pommier
(isobathes du marqueur Vm = 5 900 m/s en sismique-r�fraction).
Document in�dit extrait du rapport interne d�implantation du forage OM1.
L�intersection des profils se situait � ce n�est pas par hasard � � proximit� du seul point d�eau de la r�gion, au bord de la piste Ouargla-Fort Lallemand. Ce fut donc la SN Repal, qui se mit � forer sur ce site, car leur EMSCO 1250 venait de se lib�rer, tandis que l�appareil J 1400 de la CFP(A) �tait occup� sur Talemzane avec Li 2. Elle prendrait le temps n�cessaire avant d�aller sur Hassi R�Mel, objectif qui lui laissait une forte impression d�exploration inachev�e. Il lui paraissait donc urgent d�aller forer le sommet de cette fameuse dorsale. Alors, raconte Albert Pachoud mon alter ego, � la SN REPAL, � � d�faut de susciter de grands espoirs � l��tape interm�diaire du sondage Md1 s��tait impos�e. Il fut implant� pr�s du puits chamelier d�Hassi Messaoud, dont le nom signifie : � le puits de la chance �. C��tait de bon augure, et plus explicite qu�un impact de m�t�orite, et pourtant personne n�osait croire que � l��uf de Pommier � pouvait �tre f�cond. Ainsi, en m�me temps que moi, plus au nord, Albert Pachoud, patiemment, attendait la sortie de la couche de sel massif, ici �paisse de quelque 800 m�tres, et l�entr�e cons�cutive dans les gr�s et argiles du Trias... La consigne �tait alors de proc�der au d�montage et au d�m�nagement de l�appareil de forage vers Hassi R�Mel d�s l�arriv�e de l�outil dans un terrain dur. Et c�est un beau soir de juin que la vitesse d�avancement de l�outil fut brusquement ralentie. La profondeur �tait alors de 3 310 m, le g�ologue fit arr�ter le forage en le faisant mettre en circulation pour ramener les derniers d�blais en surface. Apr�s une heure d�attente, ceux-ci �taient sur le tamis : il s�agissait d�esquilles de gr�s durs, noir�tres, que la lampe de Wood rendait fluorescents car ils �taient impr�gn�s d�hydrocarbures. Alors Albert Pachoud demanda aussit�t une carotte au chef de chantier, celui-ci acquies�a sans se lamenter, mais non sans pr�venir son patron � Alger, lequel n�en revenait pas, puisque l�urgence �tait ailleurs et que le d�m�nagement �tait programm�. Mais le destin ne respecte pas les plannings.
La carotte sortie, c��tait le 15 juin 1956, se r�v�la enti�rement impr�gn�e d�huile et de gaz. Une surprise joyeuse r�gnait sur le chantier. C��tait tr�s prometteur, mais trop t�t encore pour parler de gisement. A cette profondeur, il �tait difficile de tester la couche en � open hole �[30], comme on le fit � Talemzane avec les d�boires que l�on sait, et l�on pr�f�ra assurer la bonne tenue du trou en descendant un tubage de 7 pouces jusqu�au toit des gr�s. On devait en outre proc�der aux diagraphies[31]. Cela demanda du temps, car rien n�ayant �t� pr�vu dans une telle perspective, il fallait notamment envoyer d�Alger le stock de tubes de 7 pouces n�cessaires � l��quipement du puits. Aussi, dans une excitation croissante, car les op�rations �lectriques que l�on fit d�urgence, confirmaient bien la pr�sence d�huile dans la formation, malgr� la faible porosit� de celle-ci, le jour des essais arriva, c��tait le 20 juillet. Alors, pendant deux jours, on put produire une huile de grande qualit�, �mulsionn�e de gaz, � raison de 12 m3/h, avec une pression de fond de 490 kg/cm2. Ici au moins on pouvait parler de gisement, bien qu�il f�t encore impossible d�en appr�cier la taille. Cela demanderait un peu de temps, on put donc s�occuper enfin de forer le sommet de la vaste structure de Hassi R�Mel !
Mais ce n��tait plus l�affaire de l�EMSCO 1250 qui allait rester encore longtemps en service � Hassi Messaoud, car il fallait maintenant proc�der � l��valuation du champ par de nouveaux sondages. Cependant la dorsale du M�Zab n��tait pas oubli�e et Md1 n��tait pas achev� que l�on d�couvrait le 17 novembre 1956, avec le deuxi�me appareil de la CFP(A), le fameux H 750, le champ de gaz de Hassi R�Mel, d�s le premier sondage : HR1, commenc� le 10 septembre. Avec un d�bit de gaz humide de 500 000 m3/jour dans 50 m de gr�s triasiques. Etant beaucoup plus pr�s de la mer que le gisement du djebel Berga, les plus grands espoirs �taient permis. En fait, on sut bient�t qu�il s�agissait d�un gisement super-g�ant de 2 000 km2 de superficie !
L�ann�e 1956 se terminait admirablement pour la SN Repal et son associ�e. Il restait maintenant � savoir si Messaoud n��tait qu�un gisement � ordinaire �. Apr�s le stimulant, mais d�cevant, coup d�envoi de Talemzane, il revenait � la CFP(A) d�aller v�rifier rapidement si � l��uf de Pommier � �tait vraiment plein. Le 16 janvier 1957, un an, jour pour jour, apr�s le d�but du puits de d�couverte de Hassi Messaoud, commen�a le forage de Om1 par le J 1400 sur le permis CFP(A), � 8 km au nord de Md1. Etant g�ologue-r�sident, je comptais bien cette fois apporter l��clatante confirmation d�un gisement important largement � cheval sur nos permis. Pachoud et moi, maillons privil�gi�s de la cha�ne op�rationnelle, avions eu l�heureuse fortune de renifler la premi�re huile de nos soci�t�s associ�es, pratiquement en m�me temps. Mais cette fois le tr�sor des sables risquait d��tre un vrai pactole. L�affaire faisait d�j� grand bruit dans la presse et les milieux d�affaires, et les visiteurs se pressaient � Md1 o� une part de fantaisie s�ajoutait au simple r�cit des faits. Mais il faut croire que l��v�nement �tait aussi per�u comme important � Paris et en France, car cela nous valut bient�t la visite inattendue du g�n�ral de Gaulle en personne. C��tait le 17 mars 1957, le G�n�ral, retir� � Colombey-les-deux-Eglises depuis quelques ann�es, n��tait pas encore revenu � aux affaires �. Meublant ainsi � sa travers�e du d�sert �, il faisait alors avec son petit �tat-major, une tourn�e � travers l�Union fran�aise. H�te d�honneur de la CFP(A), d�abord � Om1 o� je me trouvais, j�eus droit, comme g�ologue, � ses questions, car il se demandait bien pourquoi, en se retournant pour d�signer l�uniformit� du d�sert qui nous entourait, vide jusqu�� l�horizon, pourquoi nous avions d�cid� d�un sondage � pr�cis�ment ici ! �.... Un peu plus tard, tous re�us autour de sa personne pour un d�jeuner officiel sur la � base SN Repal � de Md1, ayant sans doute per�u l�heureuse convergence du hasard, de la n�cessit� et de la d�termination des acteurs de cette grande aventure, il avait conclu son discours en soulignant l�extr�me importance que rev�tait une telle d�couverte, � car il �tait absolument n�cessaire qu�elle arriv�t maintenant �.
Je n�avais alors qu�un point de d�saccord avec la plupart de mes coll�gues g�ologues de la CFP, de la SN Repal, voire de l�Universit�, c��tait l��ge des gr�s quartzitiques rencontr�s sous le sel � Hassi Messaoud. Curieusement, ils voulaient en faire du Trias, alors que j��tais intimement convaincu, ayant gard� en m�moire mes missions de terrain dans les Tassilis, qu�il s�agissait de la s�rie du Cambro-Ordovicien. Certains ne supportaient pas mon ent�tement et le manifestaient avec humeur : � Vous n�avez pas encore compris que c�est ce Trias qu�on cherche depuis trois ans ! �. Par la suite, le temps aidant, avec l�accumulation des preuves concr�tes, l�unanimit� se fit enfin sur l��vidence de l��ge cambro-ordovicien de cette formation. Ayant bien observ� les carottes pr�lev�es par Pachoud, je m�attendais bien � retrouver ces m�mes faci�s gr�so-quartzitiques � Om1. Et six mois apr�s le d�but du forage, deux mois apr�s la visite du G�n�ral, le 18 mai, des indices d�huile se manifestant brillamment dans les d�blais � 3 245 m[32], je d�clenchai le carottage continu de la s�rie gr�so-quartzitique qu�� l��vidence je reconnus �tre, l� encore, le fameux Cambro-Ordovicien. Jusque-l�, des ennuis techniques ayant retard� la poursuite du forage, puis la premi�re carotte pr�lev�e le 4 mai dans la base du Trias �tant enti�rement argileuse, nous n�avions encore, quoi qu�en ait dit la presse de l��poque, aucune certitude quant � l�existence des gr�s p�trolif�res. Mais de fait, les carottes suivantes �taient magnifiquement impr�gn�es du m�me p�trole qu�� Md1, et cela autorisait d�j� le meilleur pronostic. Le 8 juin, nous en avions d�j� 120 m�tres... Quant aux essais qui suivirent ils devaient apporter la preuve attendue, c�est-�-dire que nous avions � plus de 3 km sous nos pieds, le m�me gisement ici qu�� 8 km de l�, avec une �paisseur impr�gn�e de plus de 250 m ! Tout le monde comprit alors qu�il s�agissait d�une d�couverte majeure (Fig. 3 ).
Figure 3. La s�rie stratigraphique � la verticale du gisement de Hassi Messaoud.
Prudent, Willy Bruderer avait attendu cette confirmation ; d�s lors il quitta la Suisse et rentra � Paris, gu�ri. Quant au pr�sident Victor de Metz qui, lui aussi, vint nous visiter sur le chantier, s�il �tait satisfait de son pari ch�rement gagn� et s�il f�licitait son �quipe d�un pareil r�sultat, il se demandait � haute voix ce qu�il allait bien pouvoir faire de toute cette huile, ayant d�j� du mal � �couler la part de p�trole du Moyen-Orient qui revenait � sa compagnie�
Quelques mois plus tard, je rentrais � Paris avec les miens, gardant de ce Grand Sud si attachant, le souvenir d�une grande aventure. Un nouveau style d�existence m�attendait, plus propice � la vie de famille. Mais j��tais heureux et fier d�avoir particip� � un moment important de l�histoire de notre compagnie, et m�me de l�histoire tout court. J��tais heureux aussi de laisser derri�re moi des �quipes en pleine euphorie qui n�avaient pas fini d��valuer l��tendue de leur fabuleux tr�sor et, comme notre base nomm�e � Maison Verte �, de nouvelles oasis surgies des sables ; tandis que dans le nord du pays, c��tait la guerre.
Le Sahara, lui, �tait paisible et les forages se succ�daient � un rythme rapide, tant sur l��norme champ de gaz de Hassi R�Mel, que sur le gisement de p�trole g�ant de Hassi Messaoud, qu�on allait bient�t ranger parmi les plus grands du monde. Et cela, trois ans seulement apr�s les premiers sondages entrepris dans une incr�dulit� quasi g�n�rale.
L�initiative revenait maintenant aux techniciens. La CFP(A) et son associ�e, devenues riches, s�engageaient dans de vastes projets. D�abord un petit ol�oduc de 7 pouces entre Messaoud et Touggourt o� se trouvait le terminal d�une ligne de chemin de fer permettant d�acheminer le p�trole jusqu�� la mer, remplac� ensuite par un pipe de 24 pouces de diam�tre, direct de Messaoud � Bougie, soit 660 km. Ainsi la production sur Touggourt put commencer d�s le 5 janvier 1958 ; deux ans plus tard 7 millions de tonnes/an arrivaient � la c�te, pour atteindre 9 millions de tonnes en 1962. Sur le gisement, le gaz produit n�est plus br�l� � la torche, il est r�inject� dans le r�servoir pour stimuler la production. A lui seul, Hassi Messaoud repr�sente pr�s de la moiti� de la production alg�rienne. Dix ans apr�s la d�couverte, en 1967, le total de celle-ci atteignait 120 millions de tonnes ; les r�serves �taient alors estim�es � 1,3 milliard de tonnes. Cette ann�e-l� on comptait d�j� 178 sondages de d�veloppement, dont 150 producteurs.
Mais ce qui occupait les g�ologues �tait autre chose. Certes, il s�agissait bien aussi de donn�es pratiques telles qu�une connaissance exhaustive du gisement dans ses constituants, sa structure, ses caract�ristiques de r�servoir, mais c��tait aussi l��tude des formations travers�es en sondage et la corr�lation avec les r�coltes d��chantillons sur le terrain qui devaient permettre, d�ann�e en ann�e, d�acc�der � une connaissance approfondie de tout le Sahara septentrional propre � �clairer l�exploration future. Avec le renfort de nouvelles soci�t�s, celle-ci fut f�conde, et si aucun nouveau g�ant ne fut d�couvert, de nombreux autres gisements apport�rent une importante contribution � la production saharienne[33]. L�ensemble des efforts des g�ologues p�troliers et des th�ses universitaires induites, conduisit ainsi � une extraordinaire moisson de donn�es nouvelles qui allait enrichir consid�rablement la vision g�ologique de la r�gion et, plus largement, du continent africain.
Il est assez remarquable de constater � quel point � l�oeuf de Pommier � pr�figurait d�j�, sur la foi de deux, puis quatre profils sismiques, le contour r�el du gisement d�Hassi Messaoud, �tabli plus tard d�apr�s les r�sultats d�une multitude de forages (Fig. 4). Ce qui n��tait qu�une � vague culmination r�gionale profonde �, par la magie d�un trac� inspir�, �tait devenu une entit� structurale, et mieux, le contour d�un fabuleux tr�sor de 1 300 km2 de surface, impr�gnant des gr�s et quartzites, certes h�t�rog�nes, mais sur pr�s de 300 m d��paisseur, constituant des r�serves d�passant le milliard de tonnes ! Alors que le total des investissements des deux partenaires s��levait l�ann�e de ces d�couvertes � 320 millions de francs (pr�s de 50 millions d�euros). Les financiers, la veille encore si regardants et sceptiques, convenaient que l�affaire �tait plus que bonne, et ne se privaient pas d�acqu�rir des actions de FINAREP et de COFIREP[34].
Figure 4. Le gisement de Hassi Messaoud en 1967 (en surimpression : � �uf de Pommier � (1956) � la m�me �chelle) : la zone hachur�e indique la situation du niveau d�eau
Car le financement par ces soci�t�s concernait aussi Hassi R�Mel, l�autre g�ant, dont les r�serves de gaz furent alors �valu�es � 2 000 milliards de m3, avec 325 millions de tonnes de condensats.
A Hassi Messaoud, l�huile s�est donc accumul�e au sommet d�un vaste d�me elliptique allong� vers le NNE sur 43 km, et de 30 km de large[35], sorte d�immense colline, enfouie � plus de 3 000 m de profondeur, � peine marqu�e par une pente de 7,5 m/km vers le centre et 30 m/km sur les flancs. Sur ceux-ci on observe de petites vall�es, vestiges fossilis�s de l��rosion au Pal�ozo�que finissant, lorsque ce relief �tait encore � l�air libre. Le c�ur du d�me est constitu� par le Cambrien gr�so-quartzitique reposant sur le socle de granit. Il s�agit de gr�s assez fins, � stratification entrecrois�e, dont la taille des grains est variable, avec une moyenne de 350 microm�tres de diam�tre. Leurs porosit� et perm�abilit� d�pendant directement de la teneur en argile et du ciment siliceux, sont variables d�un puits � l�autre (Fig. 5), ce qui les rend plus ou moins bon producteurs.
Figure 5. Structure g�ologique du gisement de Hassi Messaoud
(d�apr�s Balducchi et G. Pommier, 1967).
L�aur�ole argilo-gr�seuse de l�Ordovicien inf�rieur qui vient ensuite en discordance sur le Cambrien, ne concerne le gisement que de fa�on marginale. Les � schistes noirs � du Silurien (Gothlandien) n�apparaissent qu�� quelques dizaines de kilom�tre du gisement. Cette surface d��rosion du Pal�ozo�que est ennoy�e, apr�s la mince transition d�argiles sableuses du Trias inf�rieur, par la puissante formation �vaporitique, d�abord de sel triasique, puis d�anhydrite, dont l��ge s��tend du Trias au Jurassique inf�rieur et moyen. Les 2 200 m qui compl�tent la s�rie de morts-terrains, datent surtout du Cr�tac�, dont les fameux gr�s de l�Albien qui repr�sentent une immense et tr�s pr�cieuse r�serve d�eau douce art�sienne, omnipr�sente dans le nord du Sahara. Le Tertiaire, avec seulement 200 m de s�diments, est form� de sables plus ou moins argileux.
Quant � l�huile de Hassi Messaoud, l�g�re, de densit� 0,82, tr�s fluide, sans produits soufr�s, elle est d�excellente qualit�, et contient assez de gaz dissous pour faciliter sa production, malgr� la faible porosit� (8% en moyenne) du r�servoir et une perm�abilit� qui varie de 0 � 1 000 millidarcies. La pression au fond atteint 370 kg/cm2 et la temp�rature 132�C ; le gisement ne comporte pas de � gas cap �[36].
Pour compl�ter l�histoire de ces gisements, et remonter � leurs origines lointaines, il faut multiplier cette r�trospective de quarante ans par un facteur 107, qui nous fait reculer dans l��chelle g�ologique jusqu�� la nuit des temps siluriens. Vers la fin de l�Ordovicien, les masses continentales sont presque enti�rement rassembl�es dans le Gondwana, et ce qui devint le Hoggar �tait alors le p�le Sud, avec son inlandsis et des glaciers s��tendant largement sur l�actuel Sahara septentrional. A cette �poque, la mer s��tait retir�e loin de ces r�gions qui stockaient, � l��tat solide, une fraction importante de la masse d�eau plan�taire. Puis apr�s quelques millions d�ann�es, les glaciers ayant rabot� les reliefs avant de fondre, la mer revint pendant le Silurien, au cours d�une tr�s ample transgression sur la frange septentrionale du Gondwana. Sous un climat chaud, dans une relative stabilit� qui ne dura pas moins de 20 millions d�ann�es, la mer peu profonde, fut peupl�e de tr�s nombreux organismes d�une grande vari�t�. Leur prolif�ration depuis le microplancton (acritarches et chitinozoaires notamment) jusqu�aux graptolites, aux lamellibranches, brachiopodes et autres c�phalopodes, aux scorpionid�s, etc... r�sultait de l�abondance de nutriments d�origine continentale, et les prairies d�algues abondaient sur des hauts-fonds tr�s �tendus. Le calme du milieu marin, le faible apport d�tritique, favorisaient ainsi une tendance g�n�rale � la s�dimentation vaseuse, peu oxyg�n�e et donc r�ductrice, dans la tranche d�eau moyenne[37]. Ce confinement �tait tr�s propice � la conservation de la mati�re organique issue d�un monde vivant foisonnant dont les vestiges �chappaient en partie, dans la s�dimentation, � l�action des bact�ries a�robies. Quant aux ana�robies, sulfato-r�ductrices et autres, elles privaient le contingent organique de ses atomes d�oxyg�ne, amenant les vestiges organiques progressivement int�gr�s au s�diment, � l��tat de k�rog�ne, ou mati�re organique insoluble, qui est la source des hydrocarbures. La pr�sence constante de pyrite dans ces argiles � k�rog�ne est un t�moignage de l�action des organismes sulfato-r�ducteurs. Ainsi la mer silurienne a constitu� un �norme accumulateur de k�rog�ne, c�est-�-dire d��nergie �lectromagn�tique du rayonnement solaire, source de l��nergie chimique des mol�cules vivantes d�grad�es apr�s la mort des organismes, mais dont il subsiste une part non n�gligeable dans les mol�cules partiellement d�grad�es du k�rog�ne et, finalement, dans celles des hydrocarbures.
Le potentiel p�trolig�ne atteint son plus haut niveau dans un �pisode pr�coce de ce � Gothlandien � traditionnel bien connu des g�ologues sahariens par sa haute teneur organique et sa richesse en fossiles, son faci�s d�� argiles charbonneuses �, se signalant par une forte radioactivit� qui marque un � pic gamma �, sur les diagraphies de radioactivit� naturelle. Quelque peu diachrone d�une r�gion � l�autre, la � zone gamma �, �paisse de quelques m�tres � quelques dizaines de m�tres, constitue un rep�re stratigraphique important et s�r dans le cadre d�une m�me r�gion. Sa sp�cificit�, gr�ce � la mati�re organique, tient � sa forte teneur en oligo-�l�ments : molybd�ne, vanadium, mangan�se, cuivre, etc. ; et surtout uranium, source du rayonnement gamma, dont la teneur atteint ici 100 � 150 ppm[38]. D�une mani�re g�n�rale le Silurien est constitu� d�argiles feuillet�es noires, dont la cassure verticale �voque la tranche d�un livre, avec de rares pass�es silteuses ou encore carbonat�es, d�une puissance de plusieurs centaines de m�tres ; elles sont les principales roches m�res du p�trole saharien. Quant au k�rog�ne de la � zone gamma �, les tasmanites[39], microfossiles les plus nombreux, contribuent � son important potentiel p�trolig�ne, qui peut atteindre plus de 10 kg d�hydrocarbures par tonne de roche.
Avec le D�vonien dans un nouveau cycle de 50 millions d�ann�es, on retrouve la r�currence climatique et s�dimentaire li�e au retour du p�le austral plus au sud qu�� l�Ordovicien[40], sur ce qui est de nos jours l�Afrique �quatoriale. Le D�vonien inf�rieur est caract�ris�, comme nous l�avons dit, par l�importante assise gr�seuse, dite � Gr�s sup�rieurs � formant la bordure septentrionale de la d�pression intra-tassilienne. Puis au-del� d�un D�vonien moyen peu �pais, et riche en fossiles, vient l�importante s�rie argileuse du D�vonien sup�rieur qui pr�sente de grandes analogies avec celle du Silurien, avec m�me un nouveau pic de radioactivit�, et une grande abondance de fossiles. Si les graptolites ont alors disparu, ce sont les c�phalopodes qui abondent, notamment les goniatites[41]. Il s�y ajoute la prolif�ration renouvel�e du monde algaire et microplanctonique. Un nouveau potentiel de k�rog�ne s�est donc constitu� au D�vonien. Par la suite, la d�rive polaire se poursuivant, le sud magn�tique migre au cours du Carbonif�re vers l�extr�mit� australe du Gondwana, celle pr�cis�ment qui deviendra, apr�s rupture et s�paration des masses continentales, le continent Antarctique. Dans le Sahara septentrional, la p�riode carbonif�re, longue de 70 millions d�ann�es, se caract�rise par un r�tr�cissement du domaine marin sous un climat tropical et l�av�nement de l�orogen�se hercynienne. Elle se traduit ici par la fracturation du socle et une large �mersion des formations pal�ozo�ques en position haute, d�s lors soumises � l��rosion, tandis que les compartiments en graben restent enfouis ou s�affaissent davantage[42]. Elle se poursuit au Permien qui, durant quelque 40 millions d�ann�es, succ�de au Carbonif�re, avec cette fois un climat chaud et sec.
Cette longue p�riode d��mersion fait alors place, au Trias, � un progressif affaissement de toute la r�gion qui entra�ne une invasion marine par le nord-est. Elle se traduit, apr�s un court �pisode de d�p�ts argilo-gr�seux, par la s�dimentation d��vaporites, en particulier de sel massif, sur une �paisseur de 700 � 800 m. Une telle chape imperm�able devait interdire la dysmigration des hydrocarbures g�n�r�s dans les profondeurs. �En effet, au-del� de 2 000 m, quand la temp�rature d�passe 60�C, les structures mol�culaires du k�rog�ne sont craqu�es et donnent naissance aux hydro�carbures liquides et gazeux. Ceux-ci, plus l�gers que l�eau ambiante, entament d�s lors leur migration ascendante en suivant les diverses fractures des roches sus-jacentes. Ils vont s�accumuler dans les zones poreuses, sous le couvercle du salif�re[43]. Ainsi sont n�s les gisements tels que Hassi Messaoud, au fur et � mesure de la gen�se des hydrocarbures r�sultant de l��paississement de la s�rie et de l�enfouissement de plus en plus profond des roches m�res du Pal�ozo�que. Cela s�est produit au cours des d�p�ts triasiques, puis jurassiques et cr�tac�s pendant 200 millions d�ann�es et sous plus de 2000 m d��paisseur de s�diments, tandis que, fragments en d�rive de la masse primitive, les continents devenaient ce qu�ils sont. Que Hassi R�Mel contienne des hydrocarbures plus l�gers � principalement gazeux � que Hassi Messaoud, indique simplement que le k�rog�ne dont ils proviennent a subi des atteintes g�othermiques plus s�v�res ici que l�.
Le Sahara n�est un d�sert que depuis 5 000 ans, le continent africain n�a acquis sa forme et son � ind�pendance � que depuis 150 millions d�ann�es, et son p�trole, d�couvert et exploit� depuis moins d�un demi-si�cle, doit son existence � des organismes marins qui vivaient il y a 300 � 400 millions d�ann�es.
N�anmoins ce p�trole est arriv� bien � point, au b�n�fice de tous : � la satisfaction des d�couvreurs sans doute, mais aussi et surtout, au b�n�fice du pays qui l�exploite. Comme le disait Saint-Exup�ry, � nous sommes tous de la m�me plan�te � et nous p�troliers qui, � notre fa�on, mais comme lui, nous sommes � nourris de la magie des sables �, nous aurons aussi contribu� � �difier la Terre des hommes.
Je tiens � remercier mes coll�gues et amis Jean LAHERRERE, Albert PACHOUD, Alain PERRODON, Gilbert POMMIER et Paul CLARACQ, autres t�moins et acteurs de l�exploration saharienne qui, ayant lu ces lignes, ont eu la gentillesse de me faire part de leurs remarques critiques, lesquelles m�ont permis de mieux approcher la v�rit� historique...
BALDUCCHI, A. et POMMIER, G. (1970). Cambrian oil field of Hassi Messaoud, Algeria. AAPG, Memoir, n� 14, p. 477-488.
BRUDERER, W. (1985). La chasse aux bougies. ILEM, 279 p., 12 pl.
CATTA, E. (1990). Victor de Metz, de la CFP au Groupe Total. TEVA.
CLARACQ, P. (1991). Au Tanezrouft au d�but de 1955. L�hydrocarbure, n�198.
CLARACQ, P. (1991). Au printemps 1956 dans l�Azzel Matti. L�hydrocarbure, n�199.
CLARACQ, P. (1996). Au Sahara alg�rien : bassin de l�Ahnet, r�gion d�Amguid, bassin d�Illizi. L�hydrocarbure, n�209.
COMBAZ, A. (1967). Un microbios du Tr�madocien dans un sondage de Hassi Messaoud. Actes Soc. linn. Bordeaux, t. 104, s�rie B, n� 29, 25 p., 4 pl., 5 fig.
COMBAZ, A. (1986). Les � Zones gamma � du Silurien des r�gions sahariennes, contenu organique et conditions de d�p�t. Doc. BRGM, n� 110, Orl�ans, p. 239-258, 8 fig.
COMBAZ, A. (1991). Les vestiges organiques de la biosph�re. Palynosciences, 1, Paris, p. 1-18.
FABRE, J. (1976). Introduction � la g�ologie du Sahara alg�rien et des r�gions voisines. SNED, Alger, 422 p., 175 fig., 1 carte h. t.
LELUBRE, M. (1992). Conrad Kilian, g�ologue et explorateur saharien. Trav. Comit� fr. Hist. G�ol., (3), VI, n� 4, p. 75-85, 1 fig. et M�m. Soc. g�ol. France, (N. S.), n� 168, 1995, p. 101-105, 1 fig.
MASSA, D., COMBAZ, A. et MANDERSCHEID, G. (1965). Observations sur les s�ries siluro-d�voniennes des confins alg�ro-marocains du sud. Notes et m�moires de la CFP, Paris, 188 p., 18 fig., 2 h. t. coul., 9 d�pliants.
MORANGE, A., PERRODON, A. et H�RITIER, F. (1992). Les grandes heures de l�exploration p�troli�re du Groupe Elf-Aquitaine. Bull. des Centres de Recherche Exploration-Production Elf-Aquitaine, M�moire 15, Boussens, 463 p., 133 fig.
PACHOUD, A. (1986). Il y a trente ans : Hassi Messaoud n�1, Md 1. L�Hydrocarbure, n� 188.
PERRODON, A. (1985). Histoire des grandes d�couvertes p�troli�res, un certain art de l�exploitation. Elf-Aquitaine, Masson, 224 p. (Cf. p. 111-129).
PERRODON, A. (1994). Historique des recherches p�troli�res en Alg�rie. In PROUVOST, J. (Ed.) : La recherche p�troli�re fran�aise, Editions du CTHS, Paris, p. 323-340, 7 fig.
RONDOT, J. (1977). La Compagnie Fran�aise des P�troles, du franc-or au p�trole franc. Arno Press, New-York, 1977, 184 p., 37 ill.
TOTAL Information, n� 100, printemps 1985. Groupe Total, Paris, 48 p.
La production p�troli�re dans l�ALGERIE d�aujourd�hui (donn�es 1997).
--------------------------------------------------------
Production totale de p�trole : ������� 43,2� Mt/an
dont Hassi Messaoud� : ��������������������� 20� Mt/an
Consommation :������������������������������ 11,2� Mt/an, soit 26%
R�serves prouv�es��������������������������� 1,2� Gt (milliards de tonnes)
dont 70 % sont � Hasssi Messaoud
Pour m�moire : La consommation fran�aise actuelle s��l�ve � 85 Mt/an.
Production totale de gaz :� ��������������� 56 G.m3/an (milliards de m3).
dont Hassi R�Mel : ������������������������������ 14� G.m3/an
Consommation :���������������������������������� 8� G.m3/an, soit 15% *
R�serves prouv�es :���������������������� 3700� G.m3 (milliards de m3)
dont 80% sont � Hassi R�Mel.
Les hydrocarbures repr�sentent 95% du montant total des exportations du pays.
Les 9/10e du brut et du gaz sont destin�s � l�Europe.
La soci�t� nationale SONATRACH contr�le la majorit� de la production de l�huile et du gaz du pays.
* principale source de l��nergie �lectrique du pays.
6) Lui-m�me cr�� par le gouvernement du g�n�ral de Gaulle, et rattach� au Minist�re de l�Industrie et du Commerce.
7) A. de Saint-Exup�ry. Courrier sud, N. R. F., Paris, 1929 ; Terre des hommes, N. R. F., Paris, 1939.
8) Th. Monod. M�har�es, Explorations au vrai Sahara. Ed. � Je sers �, Paris, 1937, 300 p. ; L��meraude des Garamantes, L�Harmattan, A. C. C. T., Paris, 1984, 380 p.
10) Comme en t�moigne sa note d�pos�e � l�Acad�mie des sciences de Paris le 22/11/1948 sous pli cachet� ouvert apr�s sa mort le 23/5/1951 (Perrodon, 1985, p. 111).
11) Quant au public fran�ais, � il �tait alors persuad� qu�il ne pouvait se trouver du p�trole ni dans le territoire fran�ais m�tropolitain, ni dans ceux d�outremer � (J. Rondot, 1977, p. 133).
13) Jusqu�en 1951, dans son expos� annuel des perspectives p�troli�res, la fameuse revue am�ricaine Bulletin of the AAPG, se montre tr�s r�serv�e et m�me n�gative � l��gard du Sahara.
14) Selon l�observation du g�ologue Nicolas Gouskoff. Willy Bruderer, La chasse aux bougies, ILEM, 1985, p. 218.
16) D�autre part, �crit Jean Rondot (op. cit.) : � D�un holding qu�elle �tait principalement jusqu�alors, la CFP devra donc se transformer en entreprise industrielle et commerciale �.
17) La nouvelle produisit un grand effet sur la population locale qui se crut d�j� dans une province p�troli�re. W. Bruderer. La chasse aux bougies, 1985, p. 243.
26) Isoler la couche de la pression hydrostatique exerc�e par la boue de forage sur ses parois, pour permettre l��mission du fluide qu�elle contient.
27) Bouchon annulaire en caoutchouc ancr� au-dessus de la couche � essayer pour l�isoler de la colonne de boue.
28) Op�ration qui consiste � remonter l�outil en surface en d�montant tout le train de tiges, longueur apr�s longueur (27 m). Ainsi pour 2 700 m, 100 longueurs sont � gerb�es � en surface pour la remont�e, et ensuite � d�gerb�es � pour la descente.
31) Lecture, par outils sp�cialis�s descendus au bout d�un c�ble, de certains param�tres des terrains travers�s : diam�tre du puits, r�sistivit� �lectrique, radioactivit� naturelle, etc.
34) Deux soci�t�s d�investissement p�trolier de cr�ation r�cente participant pour 7,5% au capital de la CFP(A).
37) Tandis que les eaux de surface �taient normalement oxyg�n�es, et que les fonds, recevant les eaux polaires de fonte des glaces, l��taient aussi.
40) Cette mobilit� polaire est toute relative, il s�agit en fait d�une d�rive continentale par rapport au p�le magn�tique.