Pourquoi Pepsico s'invite dans les fruits et légumes
Le groupe américain lance une gamme de soupes et de desserts aux fruits et annonce des ventes en hausse quand ses concurrents sont dans le rouge.

Il s’agit de lancements de produits comme on en voit souvent: une gamme de soupes en briques vendues au rayon frais et des desserts aux fruits. Ce qui est beaucoup plus inattendu c’est que ces produits sont lancés en France par Pepsico. Afin d’illustrer parfaitement son message du jour, Bruno Thévenin le patron de Pepsico en France a convié les journalistes à déjeuner dans un palace parisien autour d’un menu 100% vegan mitonné par un grand chef. Quinoa, sauces aux herbes, petits légumes gourmands fondants et croquants… Diététique et alimentation raisonnable dominent le menu et la conversation... toutefois égayée par du champagne en apéritif, un vin blanc en entrée et un bordeaux rouge avec le plat principal. On est quand même en France, que diable!
«Les produits bons pour la santé représentent déjà 40% de nos ventes en France et nous comptons atteindre 50% d’ici 2025», annonce Bruno Thévenin, qui dirige la filiale du géant américain depuis deux ans. Ancien patron de la marque Tropicana pour toute l’Europe, il est convaincu de longue date de la pertinence d’un recentrage sur les fruits et légumes.
Sortie du duel avec Coca
Pour ceux qui auraient raté quelques épisodes, Pepsico est présent en France depuis le début des années 90. Auparavant seules ses principales marques étaient vendues ici, à commencer par le fameux soda Pepsi Cola, distribué par des tiers (Pernod Ricard et Orangina). Depuis une vingtaine d’années, le groupe américain a beaucoup appris de ses échecs. Après avoir tenté en vain d’apporter la contradiction à son grand concurrent mondial Coca-Cola qui représente plus de 75% des ventes de sodas au cola en France, l’éternel challenger a décidé de se diversifier en rachetant des marques locales (Benenuts, Alvalle) et en implantant ses marques américaines (Lay’s, Doritos, Seven Up, Quaker, Gatorade, Tropicana). En quelques années, le groupe américain est passé du statut d’éternel challenger de Coca à celui de champion du snacking et des boissons, avec une très impressionnante croissance de ses ventes. Une première transformation accomplie au début des années 2000 qui lui a permis de sortir d’un duel trop inégal dans les sodas, pour mieux suivre les nouvelles tendances de consommations telles que le snacking (grignotage) ou le nomadisme.
Le groupe américain était devenu un géant (parmi d’autres) de la malbouffe, quand sa nouvelle patronne américaine, Indra Nooyi, s’est attelée dès 2006 à améliorer les pratiques et la réputation de son groupe sur le thème de plus en plus inquiétant de l’obésité et des maladies liées à une mauvaise alimentation (diabète, cancers, cholestérol). Convaincue que ces thèmes grandissants pouvaient menacer l’existence même du groupe, elle met Pepsico en ordre de bataille et baptise son grand projet «Performance with purpose», traduit en «Donner du sens à sa performance pour un avenir meilleur» dans la filiale française. La deuxième transformation est lancée.
Leader des jus de fruits
En grande partie cette mutation ne fait qu’accompagner les nouvelles tendances de consommation. Ainsi en France, Pepsico, devenu le leader des jus de fruits vendus au rayon frais avec sa marque Tropicana, est d’abord surpris de constater le succès de sa petite marque espagnole de gazpacho Alvalle. Les consommateurs dévalisent les rayons de soupes froides prêtes à l’emploi, à chaque épisode de chaleur. D’où l’idée de lancer d’autre soupes froides puis aujourd’hui des soupes à réchauffer mais toujours vendues au rayon frais. « En diminuant le temps de pasteurisation, nous pouvons proposer des soupes sans conservateurs et préservant les légumes », explique l’entreprise. Pas sûr que les Liebig, Knorr, Royco et autres spécialistes des soupes industrielles apprécient la comparaison. Il n’empêche que Pepsico est dans le vrai en surfant sur la soif de naturalité des consommateurs modernes.
Idem avec ses petits desserts aux fruits lancés sous la marque Tropicana et qui vont concurrencer directement les marques Materne et Charles et Alice. Elles affichent les mentions «sans sucres ajoutés, sans conservateurs, sans colorants». «On travaille sur des produits biologiques et sur des contenant en petites gourdes», annonce Bruno Thévenin. Très attentifs aux nouvelles habitudes des Français, les experts de Pepsico viennent aussi de lancer sous la marque Benenuts, célèbre pour ses cacahuètes salées de l’apéritif, des petits sachets mélangeant fruits secs et graines réputées pour leur intérêt diététique. Le mélange est présenté dans un sachet façon papier kraft avec la mention «sans sel» et sera vendu près des caisses des supermarchés, là où l’on n’ose plus proposer de sucreries mais, à l’image de la marque NA (pour Nature Addict), des sachets de fruits en petits morceaux.
Plus forte croissance
A l’heure des comptes, la stratégie de Pepsico fait des étincelles. Exploit rare, le groupe a doublé de taille depuis 2007 et la crise qui a fait tant souffrir le reste de l’économie. Dans la même période les ventes de produits de grande consommation ont quand même crû de 25% mais Pepsico est le seul groupe mondial a avoir réussi à progresser à la même vitesse que les PME du secteur. Alors bien sûr, Bruno Thévenin ne peut s’empêcher de verser une larme sur les performances décevantes de la marque historique du groupe Pepsi Cola. Mais il se console bien vite en observant qu’il a réalisé la plus forte croissance parmi les grands groupes du secteur sur le marché français. Ses ventes ont crû de 4,2% en 2016, Coca-Cola a baissé de 0,5% et Danone de 4,2%. (Données Iri, hyper-supermarchés, hard discount et drive).
Mieux encore, grâce à ses résultats et à une stratégie de croissance éprouvée, la patronne de Pepsico, Indra Nooyi a réussi à se débarrasser de l'encombrant activiste financier Nelson Peltz qui voulait démanteler le groupe pour en accroître la rentabilité immédiate, en mariant sa branche snacks à l'un de ses concurrents.
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