(Ottawa) Le premier ministre de l’Ontario, Doug Ford, a déclaré jeudi avoir été informé cette semaine par le secrétaire américain au Commerce, Howard Lutnick, que les véhicules fabriqués au Canada contenant 50 % ou plus de pièces américaines ne seraient pas assujettis aux droits de douane qui devraient frapper toutes les importations aux États-Unis la semaine prochaine.
Le président américain Donald Trump a signé mercredi un décret imposant des taxes de 25 % sur toutes les importations d’automobiles et de pièces automobiles. Il s’agit de sa dernière initiative visant à bouleverser le commerce mondial par un programme de droits de douane massif qui a ébranlé les alliés des États-Unis dans le monde entier.
Ces menaces surviennent en pleine guerre commerciale lancée par Washington, notamment contre le Canada et l’UE.
Le secrétaire au Commerce a appelé le premier ministre ontarien tard mercredi soir pour lui dire que le Canada serait assujetti à un taux différent, mais le gouvernement provincial ne sait toujours pas quand la production automobile canadienne pourrait bénéficier d’une baisse des droits de douane.

CAPTURE D’ÉCRAN TIRÉE DU COMPTE TRUTH SOCIAL DE DONALD TRUMP
Doug Ford a assuré que la conversation avait été productive et que M. Lutnick « savait à quel point le commerce automobile est intégré » entre les deux pays.
« Un grand nombre d’automobiles fabriquées ici, en Ontario, contiennent entre 50 et 60 % de pièces provenant des États-Unis ayant fait des allers-retours, a déclaré M. Ford jeudi. La bonne nouvelle pour les fabricants de pièces automobiles, c’est qu’ils ne seront pas touchés, ce qui est très, très important. »
Le dirigeant provincial a dit vouloir attendre le 2 avril pour réagir à l’annonce sur les automobiles, date à laquelle Donald Trump s’apprête à mettre en œuvre ce qu’il appelle des droits de douane « réciproques » en augmentant les droits américains pour qu’ils correspondent aux taux de taxe appliqués par d’autres pays sur les importations.
L’Accord commercial Canada-États-Unis-Mexique (ACEUM) a été négocié sous la première administration Trump pour remplacer l’Accord de libre-échange nord-américain. Il a renforcé les règles exigeant que la majorité des pièces d’une automobile soient nord-américaines pour que le véhicule soit exempt de droits de douane.
M. Trump a salué l’ACEUM lors de sa négociation, le qualifiant de « meilleur accord que nous ayons jamais conclu », mais les experts affirment que son offensive douanière croissante contre le Canada et le Mexique compromet l’accord commercial. L’accord doit faire l’objet d’une révision obligatoire en 2026, mais rares sont ceux qui pensent que le président américain attendra pour entamer les négociations.

PHOTO KEVIN LAMARQUE, ARCHIVES REUTERS
Le président américain Donald Trump et son secrétaire au commerce Howard Lutnick
L’Union européenne (UE) et le Canada n’ont pas fait de déclaration indiquant qu’ils collaboraient à une réponse aux nouveaux droits de douane.
M. Trump a signé mercredi un décret instaurant des droits de douane sur les importations d’automobiles à compter du 3 avril. Une fiche d’information fournie par la Maison-Blanche indique que les automobiles importées dans le cadre de l’ACEUM, négocié sous la première administration Trump, ne seront assujetties à des droits de douane que sur la valeur du contenu non fabriqué aux États-Unis.
M. Ford a indiqué qu’il semble que les véhicules canadiens contenant moins de 50 % de pièces américaines seront assujettis à ces droits.
Le décret impose également des droits de douane sur certaines pièces automobiles, notamment les moteurs, les transmissions et les composants électriques. Cette mesure risque de semer la confusion dans le secteur automobile nord-américain, une industrie continentale hautement intégrée qui expédie des pièces automobiles à plusieurs reprises avant leur achèvement.
Menaces à l’Union européenne et au Canada
Ce dernier épisode de la guerre commerciale mondiale croissante menée par Donald Trump a fait chuter le cours des actions de certains constructeurs automobiles, les marchés, ébranlés, peinant à anticiper les prochaines décisions commerciales du président.
M. Trump a déclaré sur les réseaux sociaux que, si « l’Union européenne collabore avec le Canada pour nuire économiquement aux États-Unis, des droits de douane à grande échelle, bien plus importants que prévu actuellement, leur seront imposés afin de protéger le meilleur ami que ces deux pays aient jamais eu ! »
L’Union européenne (UE) et le Canada n’ont pas fait de déclaration indiquant qu’ils collaboraient à une réponse aux nouveaux droits de douane.

PHOTO DAVE CHAN, AGENCE FRANCE-PRESSE
Le premier ministre canadien Mark Carney
La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a déclaré dans un communiqué de presse que l’exécutif de l’UE évaluerait l’impact des droits et s’est engagée à protéger les consommateurs et les entreprises.
Le premier ministre Mark Carney a interrompu sa campagne électorale jeudi et est retourné à Ottawa pour diriger une réunion du comité du Cabinet chargé des relations canado-américaines. M. Carney a qualifié les droits de douane sur l’automobile d’« attaque directe » contre les travailleurs canadiens de l’automobile et a promis une action et un soutien rapides.
Plus tôt ce mois-ci, M. Trump a imposé des droits de douane de 25 % sur toutes les importations d’acier et d’aluminium aux États-Unis, y compris les produits canadiens.
Il a également lancé – puis partiellement suspendu – des droits de douane à l’échelle de l’économie contre le Canada et le Mexique. On ignore si ces droits de douane draconiens, que le président américain a liés au trafic de fentanyl, seront de nouveau appliqués la semaine prochaine.
Augmentation des prix et pertes d’emploi
Donald Trump a affirmé que les tarifs douaniers sur l’automobile seraient permanents et que les constructeurs automobiles « devraient rapatrier leurs divisions de pièces détachées aux États-Unis ».
Les constructeurs et les experts ont prévenu que la redistribution d’une industrie nord-américaine profondément intégrée ne serait ni facile ni rapide.
Les tarifs douaniers sur les véhicules et les pièces réduiront la production de véhicules en Amérique du Nord, augmenteront les prix des véhicules et entraîneront des pertes d’emplois dans les usines de fabrication à travers le continent.
L’Association canadienne des constructeurs de véhicules (ACCV)
Le président-directeur général de l’association, Brian Kingston, a assuré que l’ACCV continuerait « d’exhorter toutes les parties à ce que tous les composants, pièces et véhicules conformes à l’ACEUM soient exemptés de droits de douane dans le cadre de cet accord ».
Glenn Stevens fils, directeur général de MichAuto, a soutenu que les droits de douane se répercuteront sur l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement américaine.
« Cela se traduira par des pertes d’emplois, une augmentation des coûts des intrants et une pression sur les bilans des entreprises, grandes et petites », a le représentant de l’association automobile du Michigan.
« Les entreprises qui exportent des véhicules et des pièces aux États-Unis devront décider si leurs installations existantes aux États-Unis ont les capacités nécessaires ou peuvent être agrandies », a-t-il ajouté.