
Parmi les nombreuses techniques de communication vestimentaire utilisées par les personnalités politiques pour maintenir au plus bas le niveau du débat public, nous connaissions le retroussage de manches, matérialisant le passage à l’action, et le dénouage de cravate, symbolisant la décontraction et la modernité. Nous voilà désormais confrontés à la montée en puissance de la chaussette fantaisie.
Comme souvent, cette mode nous vient d’outre-Atlantique. Ces dernières années, l’ex-premier ministre canadien Justin Trudeau a ainsi arboré, notamment, des chaussettes « canard », « planètes », « R2-D2 » et « têtes de rennes ». Dans son sillage, Joe Biden et Kamala Harris ont eux aussi régulièrement adopté des paires bariolées du même genre. Très récemment, c’est J. D. Vance, le vice-président des Etats-Unis, qui a perpétué la tradition en se présentant dans le bureau Ovale de Donald Trump, le jour de la Saint-Patrick, équipé de chaussettes « trèfle à quatre feuilles ».
L’erreur serait de voir dans cette accumulation de monstruosités une tendance anodine, démontrant simplement la part de légèreté et d’autodérision salutaire de la classe dirigeante. Non, on ne s’inflige pas une telle mutilation esthétique, à la vue de tous, sans motivation valable et puissante. En l’occurrence, l’évidence s’impose à nous : ces chaussettes fantaisie ne sont rien d’autre que des leurres.
Compenser la fadeur
Concrètement, l’objectif des hommes et des femmes politiques accessoirisés de la sorte est que nous focalisions nos regards sur leurs chevilles et que nous passions ainsi à côté de ce qui devrait monopoliser toute notre attention, à savoir leurs errements moraux ou leur incompétence crasse. La manœuvre est grossière, mais particulièrement simple à mettre en place. Elle semble d’ailleurs être utilisée par strictement tous les adeptes de la chaussette fantaisie.
De fait, quand il se pare de modèles ornés de flamants roses ou de parts de pizza, l’homme ordinaire espère lui aussi faire diversion pour que nous ne remarquions pas sa chemise mal repassée, son pantalon trop serré ou son vilain bouton de chaleur sur le front… Mieux encore, consciemment ou non, il ambitionne que cet élément détonnant vienne compenser la fadeur globale de son style et même de sa personnalité. Au fond, il se rêve, à peu de frais, un charisme inédit et tonitruant. Verdict ? Bah, non, ça ne marche pas comme ça.
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