La classique des feuilles mortes arrive et les vacances approchent quand Paris-Tours s'élance. Arnaud Démare connaît ça par coeur. Parce qu'il l'a courue neuf fois, conquise à deux reprises (2021, 2022), et qu'il est toujours l'un des plus encouragés au départ de Chartres, où l'ambiance de fin de saison offre une proximité rare entre coureurs et public.
Mais parce qu'il raccrochera le vélo ce dimanche soir pour 2024, le sprinteur d'Arkéa-B & B Hotels (33 ans) sait que l'heure du bilan est venue et ne se défile pas au moment de dresser le sien : « Même si je gagne, ça ne changera rien, le bilan n'est pas celui que j'attendais. Je n'ai pas été bon cette année. »
« Je n'arrivais même pas à faire des sprints. J'étais dans les roues, bloqué, alors que j'ai besoin d'espace pour pouvoir m'exprimer »
Arnaud Démare
Pour sa première saison complète avec l'équipe bretonne, rejointe en août 2023 après douze ans chez Groupama-FDJ, le Picard semblait au centre d'un puzzle amené à s'assembler doucement au fil des courses. Mais tout fut compliqué dès le départ, avec les blessures de Florian Sénéchal et Dan McLay, deux hommes importants de son train. Et avec quelques erreurs que Démare concède aujourd'hui.
« Je n'étais pas forcément à 100 % physiquement, avoue-t-il. L'hiver dernier, je me suis accordé moins de repos. On voit les autres qui travaillent, on se dit "Moi aussi je vais faire encore plus, encore mieux". Sauf que je suis quelqu'un qui fonctionne à la fraîcheur, et je ne l'avais plus en début de saison. Je me suis laissé emballer. » Et la « surmotivation » de l'hiver, cette « envie de casser la baraque », s'est transformée « en impatience, une grosse pression que je me mettais ».
Et le coureur qui marche à la confiance ne s'est pas sorti du cercle vicieux. « Je n'arrivais même pas à faire des sprints. J'étais dans les roues, bloqué, alors que j'ai besoin d'espace pour pouvoir m'exprimer, je n'arrive pas à lancer mon sprint sans voir l'issue pour sortir. Je n'avais pas le feeling. » La grosse fatigue détectée fin mars l'a contraint à mettre le cligno en avril, et une fracture de l'auriculaire droit aux Quatre Jours de Dunkerque, mi-mai, l'a même amené à se questionner sur sa présence au Tour, plus couru depuis 2021.
« Je me suis posé la question, oui. Je n'y serais pas allé pour me faire taper dessus. Mais là, j'ai repris plaisir, confiance, j'étais hargneux dans les sprints, et on a été acteurs avec Kévin (Vauquelin, vainqueur de la 2e étape) et de nombreuses échappées. » Jusqu'à cette 3e place, à Villeneuve-sur-Lot (12e étape), avant d'être déclassé par les commissaires. « Tout le monde a réalisé et dit : "OK, il peut gagner sur le Tour", retient le sprinteur. En tout cas, je le pense. Car sinon, tu doutes, tu te dis que ça va être compliqué. »
2023 : 4
2022 : 7
2021 : 9
2020 : 14
2019 : 5
2018 : 9
2017 : 10
2016 : 5
2015 : 2
2014 : 15
2013 : 9
2012 : 6
La lumière est enfin revenue le 23 août, vainqueur au Tour du Poitou-Charentes, avant une deuxième victoire à Paris-Chauny, un mois plus tard. Des courses de niveau inférieur, « mais avec 180 bonshommes au départ qui veulent lever les bras, c'est une petite guerre, donc il faut y aller, souligne plutôt Démare. Je me suis accroché, j'aurais pu jeter l'éponge un peu plus tôt en me disant "je bâche la saison et je récupère vraiment" mais j'ai persévéré. »
Et évité la saison blanche, même si 2024 sera probablement son année la moins prolifique depuis dix ans. C'est pour ça que ce dimanche soir, il sera « soulagé, car j'ai vraiment besoin de repos, encore plus que les autres années, physiquement et mentalement. Quand tout va bien, on se dit : "Pourquoi s'arrêter ?" Quand c'est un peu plus difficile, il y a de la nostalgie, on se dit qu'on repartira presque de zéro en novembre à l'entraînement. Mais ça permettra de repartir sur des bases nouvelles. »
97 victoires pros
Peu importent les adversaires plus jeunes et plus forts, comme Jasper Philipsen ou Arnaud De Lie, parmi les favoris pour s'imposer à Tours cette année. Démare, qui n'imagine pas encore la retraite, ne doute pas. Il en est à 97 victoires pros et le cap des 100 se rapproche plus doucement qu'imaginé. « Bien sûr que c'est toujours un objectif, ça va venir, ce serait con que... Non, c'est impossible, je ne me vois pas ne pas atteindre les 100 victoires. Ça se fera. »