L'LNSriGNEMENT DES DÉCRETALES A l'UMVERSITE DE P\RIS 39
un seul corps de ces professeurs, d'abord isolés, qui a donné naissance à la Faculté de décret. Voilà pourquoi, celle-ci, fidèle à ses origines, garda ce caractère d'être régie par des maîtres en décret.
Mais cela ne veut pas dire que ces maîtres se désintéressaient de renseignement des décrétales et n'en assuraient pas au profit de leurs élèves la diffusion scientifique et approfondie. C'est tout le contraire qui est vrai.
Le détail de la vie de la Faculté au xme siècle est mal connu, faute de documents. Cependant, nous in\oquerons deux faits qui en disent long. L'un des plus grands canonistes de ce temps et de tous les temps (juris iitriiisque mon arc ha) est Henri de Suse, car- dinal-évèque d'Ostie, qui nous a laissé deux ouvrages, fruit de son enseignement sur les décrétales, une Lectura et une Summa. Or, Henri de Suse fut professeur à Paris, et à Paris seulement. Ses ouvrages sont, de toute é\idence, le résultat de son enseignement. La conclusion s'impose.
Voici le second fait. Le picard Jean Lemoine, qui dut toute sa formation à l'université de Paris, et marqua sa reconnaissance par la fondation d'un collège, dont le souvenir survit dans la rue que l'on sait, devint cardinal en 1294. Lorsqu'on 1298 parut le Sexte de Boniface VIII, il entreprit un commentaire de ce nouveau recueil et, quand il l'eut terminé, il ne crut pouvoir mieux faire que de l'envojcrs à l'université de Paris (sa lettre est du lfi fé\rier 1301). C'est donc que les décrétales étaient en honneur sur les bords de la Seine. La Faculté de décret de Paris répondit à cette a\ancc en adoptant, comme « glose ordinaire » du Sexte, le tra\ail de Lemoine. Cette utilisation dura, d'ailleurs, jusqu'en 1481, date où l'invention de l'imprimerie fut funeste au livre devenu classique de Lemoine. En effet, l'œuvre similaire de Jean André, acceptée comme « glose ordinaire » à Bologne fut imprimée de bonne heure et supplanta, même à Paris, Lemoine, resté manuscrit jusqu'en 1585. Les maîtres de Paris ne se résignèrent qu'avec peine4 à cet abandon; les nécessités pratiques l'emportèrent.
Avec le xive siècle, nous commençons à être éclairés directement sur l'enseignement des décrétales. Celles-ci sont toujours l'objet
3. Demfit et Châtelain, Chartulanum universitatis Pnrzsz'cnsis, t. II, p. 90. 4. Fourmer et Dorez, la Faculté de décret, t. II, p. 301. Le 12 juillet 1481, le premier legens de mane, ajant à commenter le Sexte suggère à la Faculté qu'elle lui permette de faire « cum Apparatu Johannis Andieae. Hoc sibi videbatur esse pei utile scholaribus, eo quod omnes quasi scholaies habent libros impiessos in quibus est Apparatus Johannis Andreae super Se\to, et non Apparatus Johannis Monachi ». La chose est mise en délibération, et huit jours plus tard les maîtres se résignent à cette solution « non sine taracn gra\ibus racionibus in tontrarium allegatis, eo maxime quod semper in schola Parisiensi à primordiis fuit observata lectura Apparatus et glossarum Johannis Monachi... quod etiam Johannes Monachi, natione Gallicus et doctor in jure canonico Parisius... fuisset ».